vieux fils de cuivre (arrivée de l’ADSL)

les révolutions les plus significatives s’annoncent de façon invisible


J’avais ce modem, c’était déjà mon troisième ou mon quatrième, il faisait même fax répondeur (ce qui voulait dire que l’ordinateur devenait l’instrument qui exigeait auparavant un appareil dédié), on était passé de 4800 bauds (mon tout premier) à 12 400 (la vitesse du fax) et puis maintenant à 56 000. Longtemps encore, les ordinateurs portables proposeraient, à côté de la prise Ethernet et de la prise USB, une prise dite « 56k » pour jonction au réseau téléphonique. On rêvait à d’autres modes de propagation des ondes : fibre optique dans les villes, réseau satellitaire comme pour la télévision, et surtout le réseau d’alimentation électrique, structuré, interfacé, domestiqué. D’ailleurs, aujourd’hui, l’ensemble de ces connexions se superposent – souvent, dans les maisons ou les bibliothèques, on utilise les prises électriques pour le partage Internet. Le paysage urbain et rural commençait à se débarrasser de ces pylônes téléphoniques, surchargés de quarante-huit câbles, avec leurs isolateurs en forme d’ampoules vertes, et après chaque coup de vent plus moyen de téléphoner. Dans les immeubles, on les voyait, les vieux fils de cuivre du téléphone, et chez vous rien de plus facile avec un canif que les prolonger ou relier un nouvel appareil. Et puis on nous annonçait que ces vieux fils de cuivre qui transmettaient les ondes vocales (de 50 à 20 000 hertz), sous réserve d’asymétrie, pouvaient accueillir les signaux bien plus rapides – qui s’y superposeraient – de la transmission des paquets binaires qu’Internet sépare et accumule à volonté, prodigieuse idée technique qui m’émerveille toujours (surtout rapportée si souvent à la banalité de ce qu’elle transporte, sans parler des spams). Je crois que dans mon idée ça ne pouvait être que provisoire : en attendant la fibre optique, si déjà ça peut aller plus vite, pourquoi pas. Sauf que douze ans après on l’attend toujours, la fibre optique. Et que d’un seul coup, avec ce modem pas très facile à régler (mais ensuite on n’y pense plus, pendant des années), la connexion devient instantanée, permanente, et autorise que vous lisiez des pages à une vitesse de téléchargement supérieure à votre vitesse manuelle de défilement pour lecture continue. Ainsi, d’un seul coup, on se mettait à lire le journal sur Internet. Ainsi on ne descendait plus les dictionnaires (les huit tomes de mon Littré édition Pauvert) de l’étagère de la bibliothèque, mais on le consultait en ligne. Ainsi, les images entraient comme accompagnement indifférent d’un message textuel transmis par e-mail. J’avais été un des premiers abonnés ADSL de ma ville, naturellement, et France Telecom s’est ensuite déchargé de ce service (wanadoo.fr) sur l’opérateur de téléphonie Orange : je continue de payer à un tarif dérisoire cette connexion fossile à l’ADSL, j’espère qu’ils ne s’en apercevront pas trop trop vite. Les révolutions principales des usages, lorsqu’ils touchent au quotidien, ne sont visibles que rétrospectivement.


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 14 novembre 2010
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