lire numérique | emmener la BNF au lit

avec Gallica, la bibliothèque numérique est gratuite et (presque) infinie – et de comment se servir de l’iPad pour en faire comme avec un livre


Son procédé était la concentration ; ce qui explique l’intensité d’effet qu’il obtenait dans des proportions restreintes, dans une demi-page de prose, ou dans un sonnet. Ainsi s’explique encore son goût passionné des méthodes de composition, son amour du plan & de la construction dans les ouvrages de l’esprit, son étude constante des combinaisons & des procédés. Il y avait en lui quelque chose de la curiosité naïve de l’enfant qui casse des joujoux pour voir comment ils sont faits.
Charles Asselineau, Charles Baudelaire, sa vie, son oeuvre.

 

Hier, parlant de lire Blanqui sur l’iPad, je signalais la biographie de Gustave Geffroy, L’Enfermé, et regrettais qu’elle ne soit pas déjà sur Galllica : beaux mystères du web, quelqu’un de l’équipe Gallica me faisait savoir ce matin que si... Alors excuses et rectifications : je crois bien que j’avais cherché L’Enfermé il y a quelques semaines sans le trouver, mais la proportion de documents mis en ligne croît exponentiellement.

Alors donc deux questions :
 comment trouver ce qui nous intéresse ? comment se balader sans se noyer, comment savoir même, entrant sur un tel site, quoi lancer dans le moteur de recherche ?
 et quoi en faire, à part rester rivé à sa table de travail (ça, on sait tous faire), et comment emmener la bibliothèque nationale dans son lit, si je peux m’exprimer ainsi, enfin là où vous lisez le mieux...

De la première question, on citera juste à nouveau les princes de Serendip, si belle histoire depuis si longtemps (cherchez), et l’acception moderne du mot sérendipité. Oui, l’enjeu principal c’est bien de susciter et d’orienter les recherches. Mais lorsque je rencontre mes étudiants de Poitiers, ce n’est pas vers des livres que les oriente, et je considère de mon plein rôle que les suggestions de recherche ne portent pas sur des noms ou des événements (et donc Wikipedia), mais des pistes déjà structurées de documents (d’autant plus facile à Poitiers, que le catalogue publie.net est librement accessible de toute la fac, y compris zones wifi et cafets). Si j’arrive sur l’océan Gallica sans idée préalable de ce que je veux trouver, bien sûr je pourrai faire confiance au site, il y a des suggestions, des dossiers thématiques, des rubriques dernières nouveautés, le parcours va donc s’amorcer, mais c’est encore mieux quand on peut remonter à ces sources rares via l’indication d’un blog...

Avant la deuxième question, un préambule : il me semble que le site de la BNF a surgi en 1999 (en tout cas après Labyrinthe ou même mes propres débuts), et sont arrivées en 2000 les premières numérisations. Quelle a été notre déception de découvrir que c’était en mode image... À quoi bon l’accès à un livre, si on ne peut pas en récupérer le texte, travailler sur les les occurrences, disposer de la recherche plein texte : télécharger un livre page à page, c’est avoir à traverser toutes les fausses couv, pages blanches, pages sommaires ou dédicaces... Nous n’avons pas été tendres avec la BNF, débat lancé.

Par contre, vers cette période, la BNF récupérait la collection historique des Garnier jaune, et donc un fonds considérable en mode texte, dont j’ai toujours de vastes ensembles dans mon disque dur.

La révolution, ça a été l’ADSL : progressivement, ces numérisations en mode image, on pouvait se mettre à les feuilleter comme on fait du journal... Alors, si on partait dans Racine, on avait les originales avec la ponctuation si affadie par la suite (jusqu’au récent Pléiade), et même des annotations autographes. Retrouver un livre dans son contexte typographique, en ces temps de mutation brusque, ce n’est pas neutre : il n’existe pas de texte absolu, en dehors de son contexte de production et diffusion.

D’autre part, même si ça n’avance pas vite, les procédés dits OCR (reconnaissance optique des caractères) permettent progressivement de passer à la moulinette de nos logiciels ces PDF image et de les transformer en texte...

Avec la récente version de Gallica, c’est ce principe de lecture-feuilletoir du mode image qui a été mis en avant et repensé de façon ergonomique. On peut même intégrer le feuilletoir sur son propre site.

Ce soir, je suis en quête du livre d’Asselineau, La vie de Charles Baudelaire, document posthume, mais d’un de ses proches, il nous emmène tout près de Baudelaire (tiens, sur son habitude de sortir une feuille de sa poche et de lire à voix haute son dernier poème). Surtout, ayant à préparer pour Poitiers vendredi un cours où c’est cela que je voudrais regarder d’un peu près, le trajet Baudelaire vu depuis édition, impression, diffusion, chiffres, et temps de l’écriture, retour à la recette Cuisine des familles :


 requête Asselineau, me voici sur la page Vie de Charles Baudelaire, 1869, chez Lemerre éditeur.
 petit triangle vert sur la droite, feuilletage intuitif page à page, et suffisamment rapide pour que ce soit presque à vitesse du feuilletage papier (ce n’était pas le cas en 2002, je vous l’assure !). Le scanner a dû passer très vite, la suite des gravures avec portraits de Baudelaire prend des airs de nuit qui ne lui vont pas si mal... le texte commence page 10, avec grosse trace sombre du pli au scannage, mais déjà, bois gravé et lettrine, graphie des s en f, voilà, on est en 1869 aussi pour lire, et ce n’est pas neutre. A vous de savoir si vous voulez recopier des phrases comme il promenait sa pensée de spectacle en spectacle et de causerie en causerie, c’est pour cela que j’ai besoin de revenir à ce livre. Y compris parce que la musique de l’époque, dans la prose d’un écrivain qui n’est pas Baudelaire, me permet d’affiner mon écoute de sa phrase, ne plus la percevoir au passé, mais depuis ce qu’elle tranche avec son présent de conventions.
 noter que si votre iPad est connecté, vous pouvez parfaitement lire, avec confort d’un livre en lecture dense, uniquement par ce principe de feuilletage en ligne ;
 temps d’explorer la barre de menu : le premier menu déroulant je n’aime pas, il indique mode texte, vous faisant croire qu’il existe, et proposant un mode de lecture flash alors qu’évidemment l’iPad le refuse, là les informaticiens pourraient contextualiser un peu plus... Mais le deuxième déroulant vous propose une table des matières, il faut prendre la précaution de cliquer ou toucher le n° de page et non pas le titre de chapitre, mais on y part instantanément [1].
 mais c’est le trop discret menu tout à droite de la barre de navigation qui m’intéresse : le i vous expliquera le fonctionnement de Gallica, mais juste à côté, noter la petite flèche de téléchargement... Vous y êtes ? Cliquer sur mode texte, document entier, cocher accepter les conditions (je ne sais pas lesquelles, je clique toujours) et voilà la version texte qui n’apparaissait pas dans l’affichage... Sélectionner tout, copier-coller dans votre traitement de texte préféré : évidemment c’est brut, il faudra remplacer les sauts de ligne par des espaces, supprimer les sauts de page, mais ça on est habitué à faire : une petite demi-heure et vous l’avez, la version texte pour vos étudiants, ou la version epub par export pour votre liseuse...
 mais en a-t-on tant besoin ? Revenons au menu téléchargement, cliquons sur pdf et texte entier... Ça aussi, il y a 3 ou 4 ans, il fallait bien 2 heures, avec 3 ou 4 essais, pour que le PDF vous arrive... Allons-y... Fenêtre document en préparation... 50 secondes pour que surgisse le cliquer ici, PDF de 3,3 Mo à rapatrier...
 là, désolé, il va falloir techniquer un peu. Le PDF livré est pleine page, avec le petit placard imprimé au milieu. Sur mon ordi, pas de problème, j’ouvre avec Acrobat Pro, je cadre la partie imprimée, et j’applique, je peux aussi supprimer la page de garde BNF et les pages blanches... C’est prêt. Vous trouverez de nombreux logiciels gratuits Mac et PC pour recadrer ainsi votre PDF... Si vous êtes sur Acrobat, penser à ouvrir Propriétés pour spécifier titre et auteur (c’est déjà rempli, mais sur la même ligne) – pour tout cela aussi que je préfère télécharger sur l’ordi et envoyer ensuite sur liseuse ou iPad, que télécharger directement depuis l’iPad.

Suite connue : le PDF recadré est lisible même sur Sony ou Cybook (envoyer via Calibre) et pour l’iPad il suffit de glisser sur films, musiques, livres de iTunes... Chargement automatique, quand vous ouvrez iBooks, vous avez dans la barre de menu à gauche /Store/Livres/PDF/, laissons tomber Store, le mot Livres est inapproprié puisque ça signifie format ePub, et en touchant PDF vous trouverez votre Asselineau à l’exact format de l’original, vous avez fait ça en 8’ et vous avez vos 2 heures de régal toutes prêtes... (Pour supprimer de l’iPad, dans iBooks toucher modifier puis les petites croix sur les titres à effacer.)

iBooks est bien sûr très confortable pour signets et annotations, mais pour la lecture PDF vous pouvez préférer GoodReader, outil qui propose pas mal de fonctions supplémentaires (y compris pour déposer des fichiers joints depuis iTunes et les envoyer par mail depuis votre iPhone ou iPad 3G si votre ordi n’est pas connecté...). Ouvrir Apps via iTunes, cliquer GoodReader et déposer dans la fenêtre, puis synchroniser (alors que pas besoin avec iBooks). Si vous n’avez pas pu recadrer votre PDF avant téléchargement, vous pourrez le faire via GoodReader, ou régler l’éclairage, et même une lecture reflow (encore expérimentale, mais elle existe...).

Désolé pour la cuisine. Mais peut-être pas inutile à propager... Là encore, quelques gestes qui très vite deviennent automatiques. Pensez qu’il y a pas loin de 80 000 documents sur Gallica, et que vous pourrez les lire hors connexion, avec le confort et le luxe d’un livre de bouquiniste... Non, rien à voir avec la lecture ordinateur, quand vous emmenez la BNF au lit...

J’exagère un peu ? Regardez ci-dessous, le scan automatique quelquefois fait pencher la page à gauche, à droite, tomber un peu trop bas, on pourrait prendre le temps de redresser tout ça, on sait faire. Mais, tel quel, le PDF préparé en quelques minutes sera lisible sur votre iPad ou même votre Sony ou CyBook... Vous saviez, qu’avant de donner les Fleurs du Mal à l’imprimerie, Baudelaire les avait fait recopier par un excellent calligraphe ?

Terminer enfin par un merci et un hommage aux équipes de Gallica. A nous de créer ces échanges et communautés qui vont nous permettre, collectivement, et chacun dans sa subjectivité propre, de nous approprier leur travail et recréer notre bibliothèque personnelle. On va commencer à pouvoir enterrer cette question du mode texte/mode image. Si je me permets de proposer ici en téléchargement ce PDF, c’est uniquement pour le côté didactique de cette page, ils me l’accorderont j’espère : à chacun d’inventer les siens !

Asselineau, Vie de Charles Baudelaire (document BNF/Gallica)

[1En testant sur Eden des titres de Novarina vendus sous forme numérique par POL, j’avais été très déçu de constater que les ancres de chapitre (il faut quelques minutes avec Acrobat Pro) n’avaient pas été installées, malgré prix de vente proche du livre papier, et interdiction de copier-coller le moindre extrait, c’était en juin, je ne sais pas si Eden/Gallimard a amélioré, ça et la galère pour porter le titre d’un ordinateur à l’autre, je n’y suis pas revenu...


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1ère mise en ligne et dernière modification le 13 octobre 2010
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