Est-ce qu’on est à un de ces points d’inflexion dans cette respiration que les familiers du Net se sont habitués à reconnaître ?

L’expansion des réseaux sociaux a coïncidé avec une régression de l’activité es blogs, et la reprise en main partielle de l’information web par les fournisseurs de contenu traditionnels, dans la perspective des usages que va déplacer l’arrivée des tablettes wifi comme celles d’Apple, privilégiant la lecture des médias web plutôt que l’interactivité. Contexte qui risque bien de bouleverser aussi, avant sa vraie naissance, le monde de ce qu’on aura nommé le livre numérique (provoquant par rétrodiction, comme la photo argentique, le terme de livre imprimé) : ces tablettes permettront un autre rapport au lire/écrire, indexation de vidéos et son, lecture dense mais avec accès au contexte web... Nous y travaillons tous, bien sûr, et quel meilleur moyen d’apprentissage que nos propres sites ? Si, pour le livre numérique, on reformatait de façon close (PDF ou ePub), l’objet lu, ces nouveaux matériels permettront un jeu direct avec la page web comme contenu. Désormais, les métadonnées (mots-clés, fichiers de ressources associées comme sur le livre imprimé on avait éditeur, isbn, notice...) qui permettent de trouver, naviguer, associer sont un élément aussi important que ce que nous avons à travailler pour l’ergonomie de la page numérique, et la propulsion des contenus, notamment via les réseaux sociaux désormais intégrés d’emblée à notre usage des machines, un des fonctionnements de la curiosité, de l’enquête, de l’information qui fondent la naissance du récit. Dans nos usages numériques, est-ce que ce que nous avons besoin de lire (et accessoirement payer), ce sont les livres qui faisaient (et feront encore) notre plaisir papier ? Nulle provocation, question très grave au contraire, et qui engage lourdement les éditeurs aussi, toute l’inventio où les auteurs nés du web sont déjà au travail...

Changement concret pour l’écriture et la page ? Nous vous invitons à seulement feuilleter les 2 dernières mises en ligne de publie.net : L’évidence feuilletée d’un monde d’Armand Dupuy et Jérémy Liron (qui expose ces jours-ci à la BU Angers) et nouvelle version des Anticipations d’Arnaud Maïsetti (c’est gratuit, ne vous inquiétez pas...).

Raconter bien, disait Koltès : oui, c’est l’enjeu pour nous tous, sur le web, et le grand obstacle que se prépare à affronter l’industrie du livre, dont les formes fixées dans une autre configuration, normalisation du roman, du recueil de nouvelles, peuvent se transposer dans le numérique, mais pas rejoindre cette ligne de friction. Il y aura toujours des exceptions – et même majeures, tiens, cet Éloge des voyages insensés chez Verdier, mais, dans cette cure d’amaigrissement du monde des blogs, l’impression que se joue un sérieux nouveau : savoir que désormais le web produit du temps de lecture à égalité esthétique et documentaire du livre et de la presse... Bien fini, désormais, le temps de ces blogs qui se limitaient au compte-rendu de livres : mais les éditeurs et auteurs qui ont préféré eux-mêmes une frontière bien dessinée et ne pas venir dialoguer ou expérimenter avec les sites de création l’ont fait en connaissance de cause.

Alors question connexe : dans cette accélération, développement que d’aucuns disent agile, paradoxe d’Internet qu’une activité avec des moyens techniques réduits, mais une intelligence concrète d’Internet, fait passer ces blogs et sites bien avant, en richesse de réflexion, pertinence esthétique, circulation d’information, les grosses machines lourdes qui bénéficient d’argent public... Dans ce contexte, quelques repères – vous en connaissez déjà bien la plupart...