[100 monuments, 100 écrivains]

parution aux éditions du Patrimoine d’un ensemble de textes d’écrivains sur les monuments nationaux


Marc Molk est le premier à l’annoncer, je reprends donc son courrier avec incitation à aller visiter son site. Pour ma part, participation à ce 100 monuments, 100 écrivains (en 3000 signes, c’était la contrainte, à partir du Palais Jacques-Coeur de Bourges [1], où l’an dernier nous avions installé un atelier d’écriture avec les associations de lutte contre l’illettrisme de St-Florent sur Cher, et l’abbaye de Noirlac. Merci à Gauthier Morax.

De la grotte de Font-de-Gaume à la villa Savoye, de l’abbaye du Mont-Saint-Michel à la forteresse de Salses, des alignements de Carnac au trophée d’Auguste à la Turbie, de la Sainte-Chapelle au château de Bussy-Rabutin, ou encore du château d’Azay-le-Rideau à l’abbaye de Cluny, les quelque cent monuments et sites que conserve, restaure, entretient, ouvre à la visite et anime le Centre des monuments nationaux permettent de proposer, dans leur grande diversité d’époques, de styles, de fonctions originelles, une approche multiple de l’histoire de notre pays tout autant qu’un agréable et séduisant parcours dans sa géographie.

Un florilège de la scène littéraire française : Dans cet ouvrage unique, chaque monument présenté fait l’objet d’une double approche : l’une, littéraire se présente comme une « carte blanche » donnée à une centaine d’écrivains ; l’autre, historique, est confiée aux administrateurs des sites.
Une iconographie très choisie : L’illustration tient une place de choix dans cet ouvrage avec une iconographie originale composée d’images réalisées tout exprès par Karim Ben Khelifa, Waldemar Gielarek, François Le Diascorn et Caroline Rose, d’une sélection de photographies provenant notamment de l’agence Magnum (Henri Cartier-Bresson, Harry Gruyart, Richard Kalvar, Erich Lessing, Gueorgi Pinkhassov…) mais aussi de clichés par Robert Doisneau, Lucien Hervé ou Willy Ronis, et d’autres tirés des fonds anciens et actuel du Centre des monuments nationaux.

Avec

Eliette Abecassis, Brigitte Allègre, Philippe Amelot, Jacques Attali, Michel Arrivé, Pierre Assouline, Christian Authier, Robert Badinter, Dominique Barbéris, Thierry Beinstingel, Mehdi Belhaj Kacem, Philippe Besson, Jean-Marie Blas de Roblès, François Bon, Vincent Brocvielle, Laure Buisson, Renaud Camus, Claro, Pierre Cleitman, Nicolas d’Estienne d’Orves, Didier Daeninckx, Charles Dantzig, Amélie de Bourbon-Parme, Adélaide de Clermont-Tonnerre, Camille de Toledo, Maryline Desbiolles, Regine Detambel, Marie Didier, Philippe di Folco, Christophe Donner, Hélène Duffau, Mathias Enard, Nicolas Fargues, Alain Fleischer, Elise Fontenaille, Philippe Garnier, Adrien Goetz, Didier Goupil, Philippe Grimbert, Pauline Guena, Hubert Haddad, Stéphane Héaume, Thierry Illouz, Isabelle Jarry, Jean-Noël Jeanneney, François Jonquet, Pierre Jourde, René Koering, Julia Kristeva, Jean-Marie Laclavetine, Philippe Lacoche, Cécile Ladjali, Jérôme Lambert, Marc Lambron, Sébastien Lapaque, Mathieu Larnaudie, Camille Laurens, Linda Lê, Stéphane Levy Kuentz, Gila Lustiger, Arnaud Maisetti, Carole Martinez, Brice Matthieussent, Catherine Millet, Marc Molk, Denis Montebello, Gérard Mordillat, Marie Nimier, Hubert Nyssen, Martin Page, Laurence Plazenet, Serge Pey, Emmanuel Pierrat, Jean-Bernard Pouy, Jérôme Prieur, Zahia Rahmani, François Raynaert, Rudy Ricciotti, Danièle Sallenave, Julien Santoni, Leïla Sebbar, Jacques Serena, Thierry Serfati, Martine Sonnet, Pascal Torres, Lyonel Trouillot, Marc Villemain.

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Il n’a pas vécu dans son palais, Jacques Coeur

Elles ne sont pas endormies, nos villes de province : juste, elles se sont disposées autrement. L’autoroute joint directement Bourges à Paris, Lyon, Barcelone, alors ses forces vives se sont établies à ses portes. De même ces grands îlots de commerce sur parkings, qui mettent en coupe réglée nos provinces.

Et c’est bien de commerce qu’il est question, avec Jacques Coeur. Non pas même le palais, mais ce qui l’environne : la vieille ville est un bloc ciselé, et de ses fenêtres à vitraux de plomb les déformations qui la fragmentent la rendent encore plus magique. Ce qui autorisait les palais dans le centre des villes c’est la force symbolique qu’avaient ses étages, ses dédales, la cathédrale en haut de la pente. Même cela maintenant, déserté : la gare, en contrebas, avec ses avenues, draine plus de voiture. La médiathèque ou la maison de la culture se sont installées sur l’anneau périphérique qui contourne le centre.

D’où cette impression de paix, dès la cour, sous les gargouilles restaurées de frais, et les galeries à arcades. Ce qui est étonnant, dans le palais Jacques Coeur, ses traversées de lumière dans un pays encore féodal et en guerre, c’est cette présence large du monde : la ville, ici, s’adresse au pays tout entier, et à l’autre côté du monde. Ce qu’on ne retrouvera pas à Tours, au Mans, à Nevers qui ont gardé en leur sein cette même île de passé.

Jacques Coeur est un peu notre Marco Polo : Bourges non pas le centre de la France (elle n’existe pas), mais un lieu de passage entre la Bourgogne et le royaume, entre l’Aquitaine anglaise et la vallée du Rhône grand couloir vers la mer. Il prend ce couloir. Lui, le terrien, rapportera les merveilles colorées et épicées de l’autre côté de la mer, et va multiplier les bateaux, les établissements. Il ne va pas si loin que Marco Polo : mais à Damas il en connaît les mêmes émerveillements. Il solidifie ces routes de mer, crée des comptoirs, des chantiers navals, fait du Languedoc sa base, puis devient la caution de la monnaie du roi, la prend comme il a pris le commerce. Le palais, en sa ville natale, sera sa récompense et sa victoire.

J’aime marcher dans ces salles, de grand équilibre. Mais j’aime surtout comment cette harmonie du grand a su faire vivre des détails minuscules : le hammam et son chauffage, les galeries dans l’épaisseur des murs, ces fresques avec singes qui se moquent bien des lois des hommes, ou le vitrail qui nous reste avec un de ces bateaux que Jacques Coeur envoyait traverser la mer : alors, au-dessus des glycines de la vieille ville, maintenant que l’autoroute et le commerce sont loin, on retrouve tout l’appel du dehors.

Jacques Coeur, à peine le palais fini (il en avait bien d’autres, de châteaux et propriétés), a été dépossédé de ses biens : le roi a mangé son banquier. Prison, torture même, jugement manipulé. Jusqu’à cette évasion, trois ans plus tard, la barque sur le Rhône, et puis les ultimes équipées jusqu’à Rhodes où il meurt.

Et si la magie de son palais dans la vieille ville, cette mémoire de pierre, était justement l’écriture en creux d’une biographie excessive, l’autre côté des mers, le fantasme certain de puissance, mais contrebalancé jusqu’au bout de sa vie par le risque et le goût des autres ? Le palais n’aura jamais servi (ou à bien d’autres choses, mais pas à Jacques Coeur) : pourtant, tout ce qui résonne de ce temps traverse aujourd’hui le nôtre.

les 3 images insérées sont personnelles, et pas celles du livre


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1ère mise en ligne et dernière modification le 5 décembre 2009
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