arrêts de blogs

Sébastien Smirou et Didier Da Silva préfèrent le silence de la table


Comment leur en vouloir ? On les apprécie dans leurs livres, pas des livres faciles, et on a appris, par les blogs, à les découvrir comme écrivains, le rapport à la musique pour l’un, l’exercice de la psychanalyse pour l’autre.

Hasard : Sébastien Smirou et Didier Da Silva annoncent en parallèle la cessation de leurs blogs respectifs. Cela me pose problème. J’avais posé quelques signaux d’alerte sur cette contraction du web : la montée en pression des réseaux sociaux, face book et twitter, a relayé en partie le schéma de lecture initial : parcourir la diversité des blogs, sélectionner via agrégateur ceux qui nous conviennent le mieux.

Bien souvent, l’agrégateur Netvibes, qui indique d’un coup d’oeil les nouvelles mises en ligne, reste inchangé quand je l’ouvre le matin. Pourtant, ce qui circule via face book ne remplace pas le blog, il s’y associe, le propulse.

L’exercice du blog est ingrat : le retour s’effectue de moins en moins par les commentaires (et pourtant, que cet outil est vital, et change le rapport au texte). Sportivement, ça tiendrait plus du marathon que du 100 mètres. La forme même du blog est ingrate : nous sommes quelques-uns à souvent inciter les auteurs ou blogueurs à migrer des plate-formes blog (même l’excellent WordPress, qui les passe d’une tête) vers des "CMS" plus complexes au départ (spip, pour tiers livre), mais qui permettent une vraie architecture de site, notamment pour l’accès aux archives, les rubriques etc.

Ce matin, deux blogs cessent un espace de parole exigeant, découvreur (je leur dois des lectures, des points de vue, une méditation tout simplement – un temps de lecture en partage). Nous sommes dans des espaces esthétiques différents : question à soi-même, a-t-on assez fait pour dire l’intérêt qu’ils avaient pour nous ? Mais cela pose la question du portail : Smirou comme Da Silva sont des écrivains repérés, leurs blogs étaient présents dans de nombreux univers liens. A qui et comment la fonction de portail ? Quelques blogs ont choisi, eux, d’être de permanents activateurs du web, renvoyant sans cesse liens et suggestions, comme Lignes de fuite : bien calme ces temps-ci, et ce n’est surtout pas un reproche – plutôt l’idée qu’il nous faudrait ensemble passer à l’échelle supérieure, d’autres outils (et sachant que nul appui en vue côté institutions publiques) pour ce travail de veille et repérage, que les bibliothécaires ou les technos savent si bien faire pour leurs propres blogs et sites.

Mais fin sur ouverture : Didier Da Silva comme Sébastien Smirou avancent tous deux le même argument. La solitude nécessaire de l’écrivain à sa table, le silence qui s’induit de la confrontation essentielle, l’écriture. Je ne le vis pas de la même façon, ni les auteurs qui sont d’ordinaire près de ma table. Le Journal de Kafka témoigne combien cette solitude et ce silence sont aussi activité exogène, avec livres, rencontres et – chez Kafka – la parole même du quotidien. Je respecte très hautement la décision et l’argument de Da Silva et Smirou, parce que, dans les deux cas, je respecte leur travail d’écrivain.

Mais, en cessant leur blog, c’est l’articulation du livre au web qui se distend, alors que c’était cela qui m’intéressait aussi dans leur démarche. L’atelier ouvert de l’auteur. Rendez-vous donc pris chez LaureLi pour l’un, chez POL pour l’autre, à parution des prochains ouvrages : mais à quel risque, pour les ouvrages eux-mêmes ?


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 21 septembre 2009
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