Brigitte Célérier | reviendra la lumière

vases communicants _ échange avec Paumée


La proposition est venue de scriptopolis, ça tombait le premier vendredi de juillet, d’échanger un billet sur la ville : Jérôme Denis sur Tiers Livre et moi-même chez lui. L’idée de passer la patate chaude aux copains, ça m’est assez coutumier : d’autres ont immédiatement réagi, Pierre Ménard a proposé de reprendre le beau titre programme d’André Breton, Vases communicants (j’avais initialement proposé grand dérangement sans savoir la résonance que l’expression avait ici au Canada). Donc, le premier vendredi de chaque mois, nous échangeons par binômes.

L’idée est bonne, on est pas nombreux encore, mais on s’accroche [1] [2]et le mois prochain on espère toute une vague [3]. On fait les associations selon humeur et affinité, simplement chacun s’engage à signaler les autres participants qui lui sont connus, et c’est l’occasion de découvrir des sites qu’on ne connaît pas, ou de les appréhender autrement.

Et puis une question plus profonde : l’écriture, dans le numérique, est intimement liée à son support. Rapport graphique, ergonomie du blog. Chacun écrit sur son blog en fonction de cette signature. Alors il se passe quoi, quand on laisse sa maison à l’invité, et qu’on s’en va passer un jour chez lui ?

Aujourd’hui, échange Tiers Livre avec Brigitte Célérier, du blog avignonnais Paumée, et voilà pourquoi.

 


Brigitte Célérier | reviendra la lumière

 

Reviendra la lumière, la géométrie dure, mais gorgée d’allégresse, quand l’air est plein d’or en fusion, et que je cherche l’ombre pour la regarder, elle et ses jeux.

J’y pensais, sans y croire, jeudi, quand je cheminais vers mon spécialiste au beau crâne, et nos conversations mondaines, moi floue, sans appuis, dans l’air tiède et mou, vide dans vide, tentative de franchir un monde de platitude grise, éclairé de lumière morte, sous une boursouflure de nuages d’un blanc sale.

Impression que rien n’existait où accrocher mes yeux, mes vagues pensées, pour haler ma volonté.

Mais là, face à sa porte, pendant que je concentrais tout mon corps pour peser et l’ouvrir cette sombre, dure, bourgeoise porte de bois et son ressort férocement résolu - et quand elle a enfin cédé, me suis retrouvée dansant au milieu du hall pour reprendre équilibre -, le cadeau prématuré de la beauté future, sur une branche qui descendait vers moi dans le jardin, de l’autre côté de la rue, et dont les feuilles éclataient, dorées, sur les feuillages ternis.

Et puis, en sortant, peu de temps après, le constat des pouvoirs de cet homme - ne sais s’il me soigne, mais le ciel oui - et peu à peu celui-ci me donnait, à défaut de forces extraordinaires, une petite joie timide qui allait grandissant, et il y avait même un avion, petite fusée blanche, pour jouer sur le bleu..

Avant le dur éclairage de l’hiver, avant la mollesse morne du fond de l’automne, viendront les jours tendres, le jeu délicat, l’effleurement, des lumières douces sur la peau des pierres, un peu roussies, ou je le croirai, par les feuillages qu’elles projetteront, par une humidité presque imperceptible.

 

Plusieurs années que Paumée, le blog signé brigetoun est dans mon fil rss. Il est exemplaire pour moi de cette très grande modestie du Net, qui donne à voir des éléments de sa propre vie, sans déborder sur l’intime, mais sans cesse le traversant, et la relation au monde qui est la nôtre.

J’ai compris progressivement, à force de lecture, que l’auteur avait eu une vie professionnelle parisienne et avait choisi une retraite avignonnaise, que bien sûr la lecture et l’écriture tiennent là une place importante. Mais l’écriture d’un blog se densifie avec le temps, prend de la liberté, s’affirme : on suit la préparation et la tenue du festival d’Avignon, on reçoit les lumières, les impatiences, la rage quelquefois, par rapport à nous qui sommes impliqués dans la vieille usure des jours. On se rejoint d’autres fois, dans la réflexion politique par exemple.

Avec le poids accru de la circulation d’information par les réseaux sociaux, face book, twitter, on a commencé à voir la signature familière, brigetoun, surgir plus souvent : un travail de veille, de repérage, où c’est la littérature et l’attention humaine qui commandent au défrichage, nous apportant avant même qu’on aille les chercher les nouvelles mises en ligne de sites qui n’auraient pas supposé forcément un tel détour...

C’est aussi pour rendre hommage à ce travail de circulation et d’attention que j’ai proposé à Brigitte Célérier ce vase communicant – les photos sont des détails tirés de 2 photographies numériques de Brigitte Célérier elle-même.

[1Ainsi, le mois dernier, cet échange entre Arnaud Maïsetti et Mahigan Lepage, et aujourd’hui cet échange entre liminaire et 36 poses, – pensez à signaler vos échanges en commentaires...

[2Relevé, vu et lu : Fenêtres Open Space échange avec A chat perché, Chez Jeanne (merci pour Balzac, Nathanaël !) échange avec Autogéographies, voir aussi chez Futiles et graves, et suivre les pistes qu’ils proposent...

[3Pour participer, annoncer, suivre, s’inscrire : groupe Face Book Vases communicants, modération Pierre Ménard.


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1ère mise en ligne et dernière modification le 4 septembre 2009
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