chemin de Cortazar à Baudelaire

et lecture de "Propriétés d’un fauteuil" dans le cimetière Montparnasse, et de la vie en sous-sol sous les sex-shop


En suivant ici index des lieux ou index des thèmes on pourra souvent retrouver, dans la réserve d’images en ligne qui me sert d’album photographique, la tombe de Baudelaire et d’autres du cimetière Montparnasse.

Hier il pleuvait : sur la tombe de Baudelaire, ils font une étrange soupe, les petits poèmes manuscrits déposés (ou cette carte de visite d’un directeur commercial ès qualités, comme s’il attendait réponse !), ou les habituelles fleurs prises aux tombes voisines pour fleurir la sienne, dans le désordre liquide qui fait fondre les encres.

Sur la tombe de Cortazar, j’avais apporté un de ses textes les plus célèbres : Propriétés d’un fauteuil. Parce que ce format des proses ultra-brèves est depuis pas mal de temps, pour moi, un enjeu esthétique de plus en plus central à mesure que le site devient le vecteur principal.

Et pas d’autre moyen d’entrer vraiment dans un texte que le lire à haute voix. Le fauteuil, les enfants, puis les enfants qui ont grandi, et la porte fermée pour ne pas voir l’âge des parents : ainsi s’élabore, en trois temps ouverts, cette fiction fantastique en une page, sur le fauteuil à mourir.

Et puis, pour marcher de la tombe de Cortazar à celle de Baudelaire (c’est tout droit), j’ai simplement laissé le camescope tourner.


Bon, drôle de journée hier, tout entière requise pour une intervention de 11’ (rabioté jusqu’à 14), plaisir cependant de retrouver des amis et frères de luttes, avec effet fin du Temps retrouvé de Proust quand on ne se voit plus si souvent. Le grand écart des conceptions concernant ces résidences selon baromètre plus ou moins égo-centré, qui fait douter tout à coup des efforts pendant 6 mois : était-ce donc tant la peine, on aurait pu se contenter de bien moins, et faire d’abord pour soi-même, certains disent ça d’ailleurs très tranquillement et calmement. Étrangeté de nos hôtes d’avoir placé cette journée d’études en plein quartier des sex-shop décatis (et sous la pluie encore plus). Ça veut dire quoi sur nous-mêmes, on était pas mal à se le demander – d’autant qu’on a dû laisser les invités, bibliothécaires, enseignants, manger les quelques sandwiches du midi, serrage de ceinture pour les artistes, ça a peut-être contribué au coup brutal d’hypotension et déprime en milieu d’après-midi, après la belle intervention de Bertrand Leclair sur les malentendants : là, par contre l’inverse, choses merveilleuses qui se passent, mais absolu secret-sur-Net. Cela aussi parce que je ne suis plus habitué du tout à ce mode de travail (principe STWF, see the web first), quand on se retrouve pour réflexion ou co-travail dans le numérique, on a débroussaillé, pris connaissance du travail des autres, on va bien plus vite au contact des problématiques. Hier, énorme intérêt évidemment à entendre ce que les autres avaient à raconter, mais pas question d’approfondir ou débattre à 11’ par tête de pipe, aucun vrai temps pour les interventions salle. Le web aurait pu permettre de prendre connaissance de tout ça avant, et alors, justement, on aurait peut-être pu aussi réfléchir. Ne serait-ce que lancer, 3 semaines avant la journée, un blog où chacun aurait dit le qui, quoi & comment, et mes 50 euros de train je les regretterais moins ? Des fois, plus trop envie de me mêler du monde web – 1. Mais l’exhibition auteurs en cabaret, dans ces rues vouées à l’exploitation la plus médiocre des corps, et qui n’a plus rien à voir avec le Pigalle des surréalistes, c’était quand même la question générale des participants côté public : qu’est-ce qu’il s’agit de démontrer pour la littérature à vendre, qu’est-ce qu’on veut signifier aux auteurs quant à leur statut et fonction, et qui annihilait toute la bonne volonté des discours de nos accueillants. Des envies d’aller se pendre.

La demi-heure passée dans le cimetière au pied de la gare aidait à se remettre les idées en place, avant train du retour, lesté du paquet d’épreuves pour le bouquin de septembre. Mais bon, ce matin ça traîne encore dans la tête : impression d’énorme inutilité quant au travail fait depuis novembre à Bagnolet. Mieux vaudrait un coup de gomme.

1 _ Julio Cortazar, Propriétés d’un fauteuil, lu pour lui-même dans sa tombe

 

2 _ chemin de Cortazar à Baudelaire, et du destin des papiers sous la pluie


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 15 mai 2009
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