quand Lire s’intéresse aux auteurs contemporains

et après ils se plaignent qu’Internet c’est mieux que la presse littéraire traditionnelle


Message reçu à l’instant... via Face Book (vive le professionnalisme ! – et j’ai même pas de nom, juste un prénom : faut faire copains) :

Bonjour François,

Je m’appelle [...] et suis journaliste pour Lire. J’aimerais vous proposer de répondre à une brève interview, que nous proposons tous les mois dans Lire, baptisée "L’île déserte". Le principe : déterminer quels seraient les trois livres que vous emmèneriez avec vous sur une île déserte, et pourquoi ceux-là en particulier ? Si cela vous intéresse, nous pourrions faire cela au téléphone, en une dizaine de minutes ?

Je vous laisse ci-dessous mes coordonnées, et reste naturellement à votre disposition si vous avez la moindre question !

Excellente journée à vous,

Rien à reprocher bien sûr question gentillesse et politesse. Reste que je serai bien en peine de dire depuis combien d’années le magazine Lire n’a pas fait écho à un seul de mes bouquins, sans parler de l’activité Internet ou publie.net ?

Alors laissons-les s’amuser. Bizarrement, ces questions d’île c’est pas loin de ma table de travail, toujours projet St Kilda avec beaucoup de doc accumulée, dont pas mal de manuscrits depuis fac de Glasgow, traduction en cours de Martin Martin. Mais comment rêver cliché journalistique plus éculé ?

Sous-jacent, quand même bizarre fantasme de l’éternité, le livre qui compense la totalité du rapport au monde quand le monde a disparu, bizarre fantasme de littérature séparée du monde et vous séparant du monde, bizarre fantasme des choses qui ne servent plus à rien : ils ont tellement enterré d’avance l’idée d’un futur du livre qu’ils ne le voient plus que comme un genre de survivance après la catastrophe (ce que j’aime si particulièrement dans Giraudoux Suzanne et le Pacifique).

Peut-être que nous autres, ce qui nous lie au côté mouvant, aux questions tous azimuts du numérique, se niche précisément ici : remise en cause au jour le jour, dans nos pratiques d’écriture, mais dans le temps même, les usages et les supports de la lecture, de ce qui fait pour nous du langage une nécessité et une esthétique, mais aussi une défense, un partage.

Laissons le magazine Lire regarder sur son téléviseur Lost saison 9 (lien incitatif, j’espère qu’ils en feront compte rendu et dossier spécial ?), et travaillons au contraire là où nous ne sommes pas encore sur une île déserte : là où lire mérite d’être expérimenté, rejoué, se confond avec écrire...

Sérieusement, je crois que si j’étais jeté sur Anticosti l’hiver prochain, évidemment j’essayerais de prolonger le plus possible la batterie de ma Sony PRS-505 (7000 pages d’autonomie) et des 500 titres que j’ai dessus, dont tout Balzac, tout Montaigne, tout Rabelais, tout Proust, Baudelaire, Jules Verne, Littré, 500 pages de Claude Simon, publie.net et j’en passe, pour la pertinence de la question.

Je m’efforcerais, sur le sable, à voix haute, dans l’écorce ou sur la pierre, de recopier pour le pérenniser tous ces fragments qu’on doit chacun pouvoir retrouver par coeur dans sa mémoire. Dans une situation d’extrême nécessité, il nous revient quoi, de la littérature, dont nous sommes corporellement dépositaires ? Oui, tiens, ça m’intéresserait, ça.

Allez, vive les écrivains « Dix minutes par téléphone », et rêver des îles (photo du haut : paysage avec île, en avion d’Halifax à Yarmouth, mars 2009).


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 16 avril 2009
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