prout prout proust (pour tous)

de Proust en abrégé


Je ne comptais pas revenir sur cette page aujourd’hui, je suis dans des lectures Marcel Duchamp, et un étonnant poème, Danse avec les morts, écrit par Armel Guerne entre 1940 et 1945, mais c’est un message que je reçois à l’instant via la liste Proust hébergée par fabula.

Donc proustpourtous en un seul mot c’est joli : un Proust "abrégé et adapté", destiné à - c’est écrit - "porter la bonne parole".

Proust en 500 pages au lieu de 3000 : ça fait un mot sur six. Encore pourrait-on, avec une contrainte de ce type, imaginer quelque solide exercice perecquien. Enlevez-moi ce qui vous barbe, gardez ce qui vous excite. La mort de la grand-mère en 160 pages, non mais écoutez Molière : "le petit chat est mort", pourquoi faire plus long ? Un Proust en 70 pages moi je veux bien vous faire, un de ces jours. Un homme qui dort se couche de bonne heure, attention aux pavés. Albertine a disparu ? Qu’on n’en parle plus !

Marcel Proust est dans le domaine public depuis maintenant dix ans. Il n’y a aucun moyen légal d’empêcher ce genre de goujaterie.

Les monuments historiques sont protégés, il y a des procédures de classement. L’Unesco élit des sites au "patrimoine mondial de l’humanité". Et pour la littérature ?

Proust n’est pas facile à lire. C’est bien pour cela qu’il reste un champ de réflexion considérable, quant à la logique, au statut du réel, aux rapports fiction/réalité, à l’héritage même de la littérature. Pour chacun de nous, la rencontre et l’accès à Proust sont aussi un chemin. Notre responsabilité, collective ou à chacun, est d’y mener : tout modestement si c’est dans mon cycle de cours aux Beaux-Arts. Le présenter comme horizon. Plus solidement pour ceux qui parfois y ont mis leur vie, comme Jean-Yves Tadié. Qu’on relise le Proust et les signes de Gilles Deleuze : on en sort armé, on sait ce qu’on cherche dans la lecture, et confiance à Proust pour vous emporter bien ailleurs.

C’est ce chemin d’accompagnement qu’a choisi la BNF pour son dossier Proust et ses ressources virtuelles.

Il ne s’agit pas de muséifier, de fétichiser : je me souviens des conversations que Charles Tordjman, metteur en scène, avait avec Serge Maggiani, son acteur, pour l’heure Marcel Proust que Serge proposait à 60 personnes (mais il l’a jouée plus de 500 fois...) une heure avec Proust, et savoir comment cela pouvait quand même en évoquer la complexité, l’inconnu, l’immensité.

Tout en minuscule proustpourtous et donc en un seul mot, pour 25 euros : à votre bonheur, c’est même en vente à Illiers rebaptisée Combray. Vous pourrez répondre au questionnaire qu’on met là pour appâter le passant :

2- A quel âge êtes-vous devenu proustien ?
3- Etait-ce à la première lecture ?
4- A quel stade de la Recherche avez-vous eu la "révélation" ?
[...]
7- Combien de lectures de la Recherche ?
8- Comment votre vie a-t-elle été changée ?

Bon, sans doute le danger n’est pas grand. On peut même supposer que les initiateurs de ce projet, qui sent le compte d’auteur, auront du mal à régler leur imprimeur.

Mais dans le monde où on vit, sait-on ? Un Proust tout prêt pour les chaînes de supermarché... Abrégé, on comprend. Adapté, qu’est-ce que ça veut dire ? Paraît qu’il y a même eu, quelques années de ça, un Proust en bandes dessinées (remarque : mes 4 volumes Pléiade c’est ça aussi que j’aime, longues bandes de lettres dessinant un poirier en fleur, un élan de violon ou l’ascension verticale d’un avion, Proust est toujours adapté d’avance par votre monde du dedans, qu’il exacerbe et multiplie).

Pierre Ménard, oui, aurait pu signer cette édition abrégée et adaptée : elle aurait correspondu à la lettre près à la version Proust intégrale et respectée, dans son inaboutissement même.

Il y a un formulaire accessible sur ce proustpourtous : on vous incite à faire un bon copier/coller du texte numérique de La Recherche, et envoyer... C’est une manière d’être proustiennement dissuasif !

Comme répondait un des membres de la liste Proust : "Proust en a vu d’autres..." Mais quand même.

On peut oublier en relisant les articles de Proust sur Nerval, Balzac ou Baudelaire, ou sur la création poétique...


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 25 septembre 2005
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