explication de l’essence

44| une conférence à l’école Polytechnique sur l’invention du moteur à explosion du point de vue de la littérature


Le texte ci-dessous étant l’exacte transcription (moins les passages lus) d’une conférence donnée fin décembre à l’école Polytechnique, sur le thème L’invention du moteur à explosion vu du point de vue de la littérature, on recommande pour le confort de lecture d’utiliser le feuilletoir ci-après :

Je mets en ligne l’exacte transcription de cette conférence (oui, j’improvise, oui, je cherche à donner curiosité de littérature à mon auditoire) pour couper court aux polémiques qui ont suivi et aux messages et commentaires désobligeants qui m’ont été réservés suite à cette soirée.

Comme la conférence d’octobre à la cinémathèque, celle-ci sera sans doute prochainement en ligne sur leur site, d’où le fait que je souhaite prendre les devants.

Ce texte sera intégré à la prochaine mise à jour de Société des amis de l’ancienne littérature.

 


François Bon | Explication de l’essence

 

Transcription de ma récente conférence à l’école Polytechnique sur l’invention du moteur à explosion du point de vue de la littérature, telle qu’elle fut dite et de ce qui s’y est passé (tout ceci ayant été filmé et mis en ligne), très loin de mes notes initiales. Donc voici (il était précisément 19h dans l’amphithéâtre), pour mémoire et pour preuve, au mot près sans contestation possible, et pour réponse à qui m’en a fait reproche ou a déformé ces propos, ce qu’exactement j’ai prononcé, lu et improvisé :

« Quel point de départ sur quoi s’ancrer ? Dès lors que je parle, que parle, que vous m’écoutez (et bonjour et bienvenue, mais il importait que commencer soit immédiat), que ce fragment de temps et d’espace est en partage, il y a commencement. Peu importe alors si, à rebours, nous définissons une source lointaine elle-même en mouvement, ce sera une origine ouverte, un déjà-là sur quoi le chemin s’instaure, et je ne voudrai qu’une image, rien plus que soi-même, l’homme marchant – ah, grand thème des sculpteurs, l’homme qui marche, et reléguons-le loin, très loin, le plus loin possible.

« Image : l’homme se déplace : ces traces de pas fossiles de sa première station verticale, le genou non encore adapté – on dirait d’un homme ivre. L’homme est nomade : partir en quête du monde, migrer, aller au bout d’où cesse son territoire – les grandes inconnues du peuplement par le détroit de Behring depuis l’Asie vers le haut de l’Amérique, l’arrivée de peuplades sur des îles si loin dans le Pacifique qu’ils y ont évolué différemment que nous. L’homme s’aide pour se déplacer : comment certains peuples n’ont pas su inventer la roue. Les peuples des forêts et de l’eau, dans l’Amazonie ou l’Amérique centrale, et comment leurs contes, et toute idée même de ville ou hameau absente – ceux qui sont investis de la parole rituelle et du conte passent d’un campement à l’autre. L’homme asservit l’animal : et les premières traces dans ces grottes où, au contact des vieilles forces de la terre, on venait apposer les mains.

« Et les vaisseaux du désert, caravanes blatérantes. Et la conquête des mers, une première voile, une première quille. Longtemps. La mécanisation des moyens humains : équipage de rameurs enchaînés. Traîner les pierres des dolmens, des pyramides, entasser les sacs de sable pour la voûte des grandes cathédrales, et vider tout le bâtiment de son sable pour le faire émerger comme lieu vide : Michel-Ange à Saint-Pierre, et l’autre, pas si loin, qui dessinait ses machines.

« Et l’utilisation de l’eau et du vent pour ce concept : les forces plus grandes que l’homme peuvent être requises à son service. Puis l’architecture : la mécanique s’est apprise dans l’architecture, à la verticale, et non pas pour les déplacements à l’horizontale. Lisez les Trois mousquetaires, ou Vingt ans après : ils en font, du chemin, jusqu’à tuer les chevaux. Rien qui change depuis la fuite de la princesse des Ursins dans son carrosse errant, chez Saint-Simon, à Balzac voyageant sur l’impériale, perpendiculaire à la route, pour que ce soit moins cher d’aller retrouver sa Hanska à Genève, tombant parce que s’étant assoupi, et arrivant les jambes dans le plâtre bravo l’amour – permettez peut-être une brève incise, hors de notre propos, concernant Saint-Simon et Balzac (variation de 7’40 sur bref résumé biographique concernant Saint-Simon et Balzac, je passe).

« Reprise (je reprends) : la vapeur. On brûle du bois, on fait tourner une turbine. Invention de la locomotive, Paris-Rouen à 45 kilomètres-heure, formidable. Pages les plus visionnaires : Balzac encore, qui ne connaît pas l’éloge de la locomotive par Balzac, et ce que narrativement il en tire. Et ceux dont la vie immédiatement change : Balzac arrive à Tours en quatre heures, il n’y comprend rien (et moi j’écris ce texte dans un train qui fera la même route en une heure, c’est celui que j’ai pris pour venir ici vous parler). Flaubert, et la première catastrophe ferroviaire, sur sa propre ligne, et si peu de chemin jusqu’à l’immense Apollinaire : Crains qu’un jour un train ne t’émeuve / Plus mais bien sûr ce vers on vous l’enseigne.

« La vapeur, donc : mais le fardier de Cugnot, donc. Et les mines de Zola, et les hommes du fond, qu’on envoie creuser la mine et le charbon. Le XIXème siècle est une pyramide sociale, messieurs la mécanique s’invente sur des morts. Et pour un Rimbaud vendant ses cartouches dans le Harar, combien de morts aux pieds d’ingénieurs en costume blanc et casque colonial pour creuser Suez, pour creuser Panama (ah, ceux de la Martinique qu’on y envoya mourir). La mécanique s’est inventée chez les morts. Et puis l’explosion prise au bitume distillé. Ne pas perdre de vue que les grandes conquêtes des chaudières à charbon furent ces pyramides de fer gonflés d’hommes qu’on nomme bateaux à vapeur (Michaux dans ses allers-retours entre Boulogne et Brighton : deuxième incise, que je vous parle une minute de Michaux, vous a-t-on enseigné Michaux ? 2’50 d’un extrait lu de Henri Michaux), et rien de commun entre ces élévations de fer sur la mer (Louis-Ferdinand Destouches en 1916, partant pour l’Afrique en cargo vapeur, Louis-Ferdinand Destouches en 1923, partant pour l’Amérique en paquebot vapeur, et le vapeur d’Au coeur des ténèbres de Conrad remontant à la vapeur son fleuve d’Afrique, ah la littérature eut sa noblesse, elle jouait d’égal à égal avec les transformations du monde – voyez, jeunes gens, combien je suis démuni, combien j’en suis effrayé : je vous parle ici depuis le désarroi, vous êtes, vous, dans les chemins de ceux qui conquièrent et qui gagnent).

« Rien, donc, que cette goutte de bitume distillé, voilà ce liquide transparent qu’on monte à hauteur d’œil dans une éprouvette de verre, et c’est à même époque que Pasteur monte à hauteur d’œil pareilles éprouvettes de verre, mais celui qui a distillé le bitume laisse tomber la goutte et y met le feu, elle explose. Et puis voilà l’invention du moteur à combustion : la goutte vaporisée dans l’air atmosphérique et puis ce mélange compressé – il suffit du même piston bielle qu’on emprunte aux locomotives, aux cargos, et cela explose. Mais c’est immense à produire : vous avez tous vu ces rêves qu’on a, et que certains aujourd’hui réalisent, de petites machines volantes attachées à dos d’homme, et qu’on laisse se déplacer dans les étages et les plans et niveau de la ville, l’homme au terme de son devenir se dotant de la qualité des insectes, des guêpes qui bourdonnent (vous les savez bien, jeunes gens, comment jamais ces inventions n’ont d’abord été réalisées que pour la guerre et l’assaut) : le même rêve, la goutte de bitume explosive, associée à l’homme seul pour sa pérégrination de nomade, pour son activité d’insecte au ras des trottoirs de la ville ? Mon arrière grand-père, jeunes gens, moi qui vous parle depuis des cheveux gris, était manchot conducteur de fiacre dans la Paris début de siècle, l’autre, plus de pêche à Perros-Guirec et Tréguier quand on n’a plus son bras, comme Cervantès, comme Cendrars, messieurs : mais il ne le savait pas. Il livrait des marchandises, et quand les marchandises furent devenues des barriques, cela a mal tourné pour lui, jeunes gens, j’ai honte de l’avouer pour moi : mais non, si j’avais honte, simplement je n’en aurais pas parlé, que vous importe mon arrière-grand-père jeunes gens. Sa fille se marie à un apprenti menuisier de Vendée, qu’on avait mis dans les usines d’aviation et qui y avait appris le tour, la fraise et les tarauds : – J’ai touché le manteau de Guynemer, disait mon grand-père à plus de ses quatre-vingt-quinze ans, messieurs, vous vous en moquez messieurs : nous sommes loin de notre propos, messieurs.

« Mais non, puisque c’est pour eux, les avions à hélice sur moteur en étoile dotés d’une mitrailleuse dans l’axe, qu’on a développé ces moteurs. Après la guerre, il fait quoi, le jeune mécanicien diplômé, qui se mariera avec la Bretonne : il s’embauche à la Régie des transports parisiens, ateliers Championnet (ils existent encore), pour la reconversion civile des matériels militaires. Mais c’est encore les pyramides roulantes, messieurs : taxis de la Marne, ambulances pour relayer les cochers de fiacre manchots (on en n’entendra plus parler, de ceux-là, on fermera même les écuries, quatre cent quatre-vingt chevaux et leur sellerie bourrellerie pour enterrer les morts de Paris : il faudra jusqu’à ce trimestre-ci pour qu’on nettoie, pour qu’on oublie). Et il y a Louis Renault, dans la forge paternelle, cabanon dans le jardin, il y a André Citroën, grande famille, plein d’argent, ça se mêle aux banques, ça se mêlera même, plus tard, cet argent-là, à la fabrication des livres : de mes propres livres, qui raconteront l’usine, et le grand-père, c’est comme ça.

« Rien n’est hors de notre propos. La littérature, la littérature elle est où, messieurs ? Elle est là, elle est dans les moteurs. Incise, pour ne pas vous lasser, 1935, Paul Claudel, Poèmes mécaniques, hommage au moteur en étoile, je vous lis (lecture d’un des poèmes mécaniques de Paul Claudel, 3’20 [1])…

« Alors ils en auraient pensé quoi, ces hommes ? D’où vient-elle, la goutte de bitume fossile ? Il faudrait mettre des tuyaux partout à la surface de la terre, commencer en Californie, et puis aller aux déserts, conquérir enfin le fond des mers, les calottes glaciaires ? Utopie, rêve, messieurs : qui d’entre eux pour avoir pensé que la terre ne serait plus qu’un labyrinthe de tuyaux ? Et, quand il n’y a pas de tuyaux, des grands bateaux, des conduites de fer enjambant les frontières ? Non, mais vous voyez le tableau. Et nos estuaires, et nos ports, les charger de citernes, les charger de distilleurs, appeler ça raffinerie, remplacer les mines par ces étendues qui fonctionnent avec quasi personne, remplacer le Rhône par une vallée de chimie ?

« Rêve, messieurs, utopie, messieurs. Pardonnez mes récurrences (c’est ici transcrit de l’oral), mais c’est aussi un genre noble : lisez Kafka, conférence à l’académie sur le cas du singe Rougeaud – incise, dernier texte, je ne vous en lirai pas d’autres, quelques textes brefs du grand Kafka, et le début de sa conférence à l’académie sur le cas du singe Rougeaud. La littérature est ici, elle est dans cet instant, où nous lisons un texte, tandis que d’ici quelques mois, jeunes gens, vous vous en irez à vos métiers de pétrole, à vos métiers de finance – nous autres saltimbanques avons fini, messieurs, nous nous retirons du monde, et gardons avec nous nos livres, souvenez-vous que nous vous les aurons lus, une petite goutte de littérature, comme celui qui fit le premier exploser la goutte de bitume fossile.

« Rêve, utopie : la Croisière jaune emprunte par au-dessus des précipices la Route de la soie, Saint-John Perse (je ne vous en parle pas, pas le temps, pas aujourd’hui) en 1916 organise la première traversée du désert de Gobi en véhicule automobile, et cette expression véhicule automobile, messieurs, mes amis. Et puis, et puis. On fait Paris-Madrid à la course, le frère de Louis Renault (c’est Marcel) meurt dans une courbe à Couhé-Vérac (vous ne connaissez pas Couhé-Vérac, si : quelqu’un du Poitou ici ?), nous sommes dans une France de terre battue, nous sommes dans une France où commence l’eau courante, dans une France qui ne connaît l’eau chaude que chez les Swann (ah, la description du jardin d’hiver des Swann : le premier texte de littérature intégrant l’arrivée de l’électricité dans Paris, miraculeux, messieurs – Marcel aussi, pas le même). Je jongle, jeunes amis : vous aurez souvenir de la jonglerie orale des saltimbanques, j’en ai connu, d’autres époques, de bien plus faramineux, j’ai vu le vieil Aragon messieurs, je l’ai vu très vieux, déjà mi fou, mais grand fou messieurs, Aragon oui, m’a serré cette main et ne s’en est pas aperçu, moi si. Le vieil Aragon aux bras de son chauffeur chilien était devenu complètement fou, mais quel fou (je l’ai dit, dans l’élan de cette conférence, je l’assume : il s’agit de créer la curiosité, de pousser l’auditoire, on s’autorise ces excès, on les regrette ensuite).

« Des fous, de grands, d’immenses fous : la chercherez-vous, cette folie ? Dans une terre de tuyaux, jeunes gens. Et les tuyaux arrivant. Les tuyaux ont deux bouts, messieurs, c’est d’évidence, il ne s’agit pas d’humour, ce n’est pas mon truc, l’humour. Les bouts des tuyaux, leurs ramifications, leur arborescence, leurs réseaux. On arrive du sous-sol vers les parkings de supermarchés, on arrive du sous-sol vers les aires d’autoroute, vers les rocades de grandes villes. On livre en camion le distributeur du petit commerçant de village : il nous faut le gazole, on a besoin du Diesel. Ma grand-mère (la Bretonne) a servi l’essence à Georges Simenon, et bien des fois. C’est un levier qui animait une pompe manuelle, relié à un tuyau de caoutchouc. Elle se levait de bonne heure, la grand-mère, pour les Mobylette des ouvriers, les tracteurs qui allaient aux champs, et plus tard dans la matinée, le vétérinaire ou la châtelaine (elle avait une 203 Peugeot, mais ne conduisait pas : c’est mon père qu’elle rétribuait, je vous parle d’une époque bien loin, jeunes gens, de vos écoles, et vos réseaux et vos écrans). Est-ce que j’aurais tourné saltimbanque sans Georges Simenon prenant l’essence à ma grand-mère ? Je ne sais, je ne sais.

« Non, mais vous la voyez, cette terre, et tous ces tuyaux, un bout dans le désert ou sous la mer, ou sous les grandes glaces vierges de là-haut, et l’autre bout dans nos supermarchés et sur nos autoroutes, pour nos embouteillages du matin, pour ce vieux rêve de l’homme volant, ou de l’homme passant à pied, chassant et cueillant, d’un continent à un autre continent, ou s’embarquant sans savoir si le vent le poussera sur une île, ce vieux rêve pour avoir moteur dans nos jambes, avoir moteur à nos bretelles, avancer avec moteur, et le tuyau pas loin, le tuyau qui nous branche sur la goutte fossile, l’encombrement des villes, les visites du dimanche, les échappées avion du week-end dans la ville étrangère, utopie, rêve, finissons, plions : en tout cas, nous autres, la littérature, pas de leçon à vous faire.
« Bonne route, amis, bonne route – rechargez bien vos batteries avant le déplacement (fin de la conférence).

Transcrit et mis en page les 9 & 10 janvier 2009, par l’auteur.

[1Ce qui le transporte là-haut, ce ne sont pas ses ailes : simplement, elles l’empêchent de tomber et tout l’art du constructeur est de trouver un profil qui les oblige à nuire aussi peu que possible à l’avancement. C’est l’âme ! c’est cette idée à toute vitesse, c’est cette aspiration qui soulève une lourde carcasse jusqu’à lui faire oublier le poids, c’est le désir ! Ce n’est pas la flèche qu’on décoche, c’est l’arrachement de l’homme à la matière, c’est la volonté qui a abouti, c’est l’intelligence en un long assemblement de moyens qui tout à coup a réussi l’éclair ! Contact ! Allume ! C’est le coeur avec violence qui triomphe de la destinée, c’est l’homme dans une espèce de déchaînement intérieur qui a réussi à s’emporter lui-même, irrésistible ! Il a enfourché l’étoile, cette étoile multiple dessinée à chaque page du présent périodique !

J’ai longuement contemplé sur son bâti cet engin de vive force qui, du fait de sa multiple explosion, se crée à lui tout seul une assiette et un mouvement rectiligne à travers le caprice et le tourbillon de l’élément. Quel chef-d’oeuvre que ce soleil de cylindres, sept, quatorze, dix-huit, où chaque piston poussé par une déflagration intime vient au juste point et au juste moment ajouter son propre éperon à cet axe central qui recueille l’énergie de l’attelage collectif ! Tout cela travaille ensemble dans une harmonie qui va au delà de la perception humaine. C’est à la fois de la musique et de la bijouterie, de la musique au millième d’intervalle et de l’horlogerie au dix millième de millimètre. Et je songe aux opérations sans nombre, aux essais chimiques dans le champ infini du métal, aux dépenses inouïes de labeur, d’ingéniosité, de patience, de parti pris inlassable en même temps que de fantaisie insolente, qu’il a fallu pour créer tel alliage, tel produit insoucieux de l’usure et de la rouille. Le microscope est venu à bout de l’invisible et a prêté à l’ouvrier une justesse et une dextérité surhumaines. Il lui a mis au bout des doigts l’habileté du gnome. Il a fallu combiner toutes sortes de machines appropriées, d’une complication et d’une délicatesse elles-mêmes presque féeriques, pour aboutir à ce pentacle rayonnant de mesures exactes et de forces entrecroisées. Il a fallu le génie associé de tout un peuple de savants et de praticiens pour lancer dans le vide cet ange vertigineux en qui se résume toute l’audace et toute la connaissance du fils de l’homme.

Paul Claudel, Poèmes mécaniques, extrait.


responsable publication François Bon, carnets perso © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 10 janvier 2009
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