pièces vides avec vitrine

de ces nouvelles résidences d’artistes avec vue


Ce sont des pièces vides, mais libres.

Elles sont accessibles dans toutes les parties neuves de chaque ville : des lieux pour être ensemble, il n’en manque pas. Des lieux pour être seul, et pouvoir s’organiser, réfléchir, travailler, les villes n’en proposent pas. Peut-être, autrefois, les grandes bibliothèques, les kiosques dans les parcs ? Tout cela avait disparu.

On pouvait bien se moquer : seul, dans la ville, ce n’est pas si difficile. Qui même n’est pas seul, dès lors qu’il marche, dès lors qu’il revient à son appartement dans les étages, dès lors qu’il se fond dans la foule des bus, des rues, ou ajoute la sienne à la totalité des alvéoles avec télévision et rideaux, dans l’infinie multitude des façades ? Mais ces pièces à être seul vous laissent en contact avec la communauté : c’est de renouer avec la communauté, qu’il s’agit. Ne plus se fondre à comment se comporte le jeu mouvant de la ville, comment il s’assemble dans les stades où on hurle, le travail où on obéit, les galeries où on achète.

Ici, chacun travaille comme il lui semble : on donne le meilleur. Que faut-il qu’une table ? Les uns apportent un cahier, d’autres un violon, un tapis de gym ou de danse, quelques-uns s’acharnent sur les codes d’un ordinateur. Certains seulement rêvent. Mais le travail intérieur qui devient votre occupation majeure reste public, puisqu’on vous voit. Ces pièces sont dépouillées. Il faut juste de l’espace, du silence, du temps. Chacun s’y installe à sa guise. La condition, pour la communauté, c’est ce qu’on partage par la vitre. Celui qui est dans la pièce ne regarde pas au dehors, ceux qui maintiennent au dehors la vie ordinaire savent, dans laustérité de la pièce éclairée, le travail d’un seul, qui donne sens à la communauté tout entière.

On ne paye pas, pour s’installer. On prend son tour de rôle, on défend, devant les responsables désignés, ce qui sera sa tâche dans ces quelques jours ou quelques semaines, où on viendra s’installer là. On garde sa vie civile, le droit de sortir manger, de rentrer chez soi pour le linge, ne pas se couper de sa famille (on peut même ne venir qu’aux heures sociales du travail). Un équilibre s’est installé : parfois il faut attendre un peu, pour son tour, mais la ville n’estime pas nécessaire d’installer plus de pièces que ce qu’on en dispose déjà . C’est désormais une contrainte dans les quartiers neufs qui sortent de terre, ou remplacent les vieilles maisons du centre : à chaque place sa loge, puisqu’on n’avait rien trouvé de mieux que ce vieux mot. Et qu’elle soit visible du dehors.

Alors, souvent, on apprend à en connaître la silhouette. Ceux du dehors peuvent laisser des messages, le résident de la loge les trouvera à sa sortie. On parlait déjà de rassembler ces oeuvres de toutes sortes, et les écrits notamment, les récits de rêve, les images peintes ou composées, les musiques jouées dans la durée ouverte de la loge : oui, tous nous y avons gagné.


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 28 janvier 2008
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