le livre est une base de données

Hubert Guillaud on web


Dans mes interrogations Internet, il y a le pourquoi obscur de ce qui m’y attache. J’y démêle d’abord un artefact à la timidité la plus terrible, qui vous rend mal à l’aise dès que trop de monde (si je ne vais jamais au cinéma ni au théâtre c’est probablement lié à ça). Mais évidemment, aussitôt après, ce qui fascine, voire hypnotise dans l’outil neuf : non pas une déspatialisation, mais une autre organisation, pour chacun, de l’espace social (savoir que dans la boîte à mails se croisent à l’instant même signes venus de Tokyo, Clermont-Ferrand et du voisin de l’autre côté de la rue, où je dois enlever du petit bois), et, pour le rapport des mots au réel, parce que projetés dans cette publication, une documentation et une intervention symétriques faite depuis ou vers le réel extérieur, qui s’en accroît à mesure — longtemps que nous n’opposons plus le virtuel au concret.

Ce paysage social constitué de relations et d’interventions virtuelles est neuf et mouvant : facebook en amplifie et bouscule encore la fluidité. Dans ce monde en apparence profus et diffus, nous organisons nos parcours, nos géographies : le rss est une révolution profonde. On ne se connaît pas pour autant, on ne fréquente pas systématiquement tous les blogs tout le temps. Mais on sait comment trouver, chercher, et pas un hasard si quelques démarches se trouvent plus que d’autres sur les carrefours communs...

Nous n’avons pas besoin de nous connaître autrement, ou forcément : cette identité numérique, qui devient concrète à force d’images, d’interventions, d’accumulation n’est pas notre être civil. Elle a la même complexité que ce que nous avons appris de longtemps à explorer, déchiffrer, pour ce qui sépare et mêle l’artiste Marcel Proust ou l’artiste Louis-Ferdinand Destouches de leurs narrateurs, voire même de leur masque d’écrivain, Saint-John Perse ou Céline...

Je n’ai pas pu assister aux deux premières éditions de la bouquinosphère, peut-être aussi parce que je redoutais de franchir la frontière : qu’avions-nous à nous dire de plus, que risquions-nous, sinon la déception ?

Pourtant, hier soir, à la troisième édition de la Bouquinosphère, Hubert Guillaud a seulement proposé à chacun de dire le nom de son blog. Après, conciliabules, appartés, rencontres et discutes... Des visages qui surgissent devant vous : on a échangé, argumenté, on connaît l’écriture, les analyses, les préoccupations.

C’était à l’initiative de remue.net.

André Gunthert, Hubert Guillaud et moi-même avons chacun pris la parole vingt minutes (un peu plus, mais pas trop !). J’ai repris 26 questions, formulées il y a 2 ans : j’ai essayé de voir en quoi je pouvais les redire, ou ne plus les redire... Internet à la fois stable et mouvant. Plus présent, traversant plus grande totalité de nos pratiques.

J’ai évoqué diverses figures de Borges, dans Le Livre des sables, dans L’Aleph qui bouleversaient l’idée de livre, et faisaient qu’avec le Net nous en étions bien plus proches. Je tournais progressivement autour d’un seul thème : nous sommes venus à ces outils en transposant l’idée du livre, nos réflexes de pages et de typographie. Nous sommes à un bord où le rapport du langage à l’expérience du monde, ce qu’on nomme littérature, naît directement désormais depuis cette fenêtre mouvante et lestée d’épaisseurs contradictoires...

Alors Hubert a pris le relais. A dit qu’il énoncerait une fiction. Il a pris des éléments embryonniares de nos pratiques du Net, liées à l’art contemporain, aux moteurs de recherches, au monde scientifique, aux techniques les plus improbables, mais dont les signes se manifestent, pour tenter une autre approche du livre....

Je n’avais jamais rencontré Hubert Guillaud. Son travail de veille m’importe, parce qu’il fait émerger un à un ces signes apparemment mineurs, qui pourtant ne sont jamais résolubles à leur part technique.

Je suis aguerri à l’intervention en public, à l’improvisation orale, et pourtant c’est chaque fois la même trouille, la même traversée du vide. Chaque fois la même impression qu’on a touché peut-être le dixième de ce qu’on aurait souhaité porter. Mais de partager cela en public, en temps réel, fait que c’est cet affrontement même qui devient vie.

Voici quelques minutes de ce combat, tel que mené hier soir par Hubert Guillaud. Hubert Guillaud vivant. Mais ici encore via le Net. Merci, Hubert, pour le voyage, pour la bouquinosphère, pour La Feuille au quotidien...

 le livre est une base de données, fiction livre, par Hubert Guillaud, extrait (11’ environ).

A noter : prochaine intervention d’Hubert Guillaud à Lyon, bibliothèque de La Part-Dieu, le 14 février : pour comprendre l’avenir du livre.

 

La liste des participants à la 3ème bouquinosphère sera sans doute très vite accessible, là c’est juste au tout début (après j’ai rangé mon appareil-photo), donc, parmi les premiers arrivés : Arnaud Maïsetti, André Gunthert et Constance Krebs, Sébastien Bailly avec Pascal Gibourg et Hubert Guillaud, Pierre Ménard et Fred Griot, en bas à gauche Sereine Berlottier avec Sébastien Rongier et Dominique Quélen, on aperçoit Alexandra Da Rocha, Philippe Maurel, Isabelle Aveline, Jean-Michel Defromont, Olivier Guéry...

Complément du 20/01 : quelques photos d’André, et quelques liens vers les sus-nommés chez Hubert, avec cette réfelxion que la surprise à ces rencontres vient moins des visages que des voix...


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 19 janvier 2008
merci aux 3650 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page