flux continu mots images infos

qu’Internet n’est pas pire que le réel même si


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1 _ le numérique en marche automatique
On en entend beaucoup sur le Net : flux continu et non hiérarchisé d’informations, sans possibilité de vérifier la validité des éléments mots ou images reçus.
Et parfois, cette magie du silence, quand on renoue avec le travail personnel : l’ordinateur, connecté ou pas, n’est pas ennemi de l’attente et du dépouillement qui convient au mental. Il m’arrive parfois de retourner en Ecosse ou autre bord de mer via une webcam.
Mais le réel le plus ordinaire est tout aussi chargé de cette pollution sous forme de flux des signes. Tel blogueur s’amuse en ce moment à photographier les Unes des journaux pour construire un Sarkozy superposé qui soit antidote au matraquage. C’est peut-être en lien avec lui que ce matin j’ai mis mon numérique en bandoulière, laissé ouvert en position film, pour 7 minutes dans le stand Relay de la gare Saint-Pierre des Corps.

 

2 _ RATP SNCF et nous bétail
Flux des signes : pollution des signes par cette masse de panneaux publicitaires, 8 minutes durant, quand je me tape en provincial le long tapis roulant jonction gare – ligne 4 — et celui du milieu toujours en panne pour mieux nous signifier le mépris de la RATP. Peut-être que les Parisiens les voient moins ? Et victimes patientes du racket SNCF qui change sans cesse ses tarifs (le 7 octobre, on devra payer un supplément « pro » ou n’avoir plus le droit de changer de réservation, et ce soir, quand je reviendrai de Lille à 20h04 Paris Nord, je devrai attendre le 22h53 Austerlitz qui me ramènera à 0h53, parce que le TGV de 21h10 a été avancé à 20h25 il y a quelques semaines, et qu’en 21 minutes, il en manque 7 pour risquer le transfert) : avant-hier à nouveau plantage de 50 minutes du 9h38, on était quelques centaines sur le quai, temps gris.

 

3 _ Airbus dans ma tirelire
Mais dans la voiture, tout à l’heure, je n’ai pas pu m’empêcher d’écouter France-Info, stupéfait du niveau de corruption dans le système ultra libéral que représente Sarkozy, et que nous a imposé pour 5 ans la majorité démocratique de nos concitoyens, ces types qui s’en mettent plein les poches à millions sur le dos du bien public, la fierté qu’aurait eu mon grand-père (jusqu’à toucher le manteau de Guynemer en 1917, alors que l’aviateur était venu visiter l’atelier de mécanique où le jeune tourneur vendéen mobilisé fabriquait une des pièces de son douze cylindres étoile) que notre pays soit doté d’une usine d’avions. Je n’en veux pas à France Info : mais, dans la voiture, c’est comme si le pourrissement général de ce système me rejoignait aux basques. Plus d’ateliers d’écriture cette année : pas envie de jouer l’emplâtre sur jambe de bois, ce serait faire croire qu’on peut encore travailler au bien, tandis que les autres promulguent le dépouillement de la grande masse au bénéfice de leur caste, et votent dans l’inutile et bouffi Sénat la légalisation du prélèvement ADN pour regroupement familial.

 

4 _ Sudoku et Bob Dylan
Alors les voilà, ces signes : meilleures ventes le plus ringard, pourvu que vaguement érotique. Vous avez vu les titres ? Et de quoi vous occuper la tête, mots fléchés et Sudoku : l’an dernier, rue Cartier-Bresson à Pantin, qui a compté une trentaine d’imprimeries et en abrite encore l’école, cela m’avait stupéfait comme toute l’industrie noble s’en était retirée, pour ne plus laisser que ces fabriques du bas de gamme.
On ne prend pas le train ici par plaisir, mais pour le travail. Les livres sur l’entreprise, considérée comme chasse, influence, réussite, prennent autant de place que ce qui surnage de littérature par les meilleures ventes et prix littéraires.
Je voulais une mise en abîme : avant-hier, il y avait encore 2 exemplaires de mon Dylan entre le livre sur l’Opus Dei et celui sur Barbara, j’aurais montré ça. Il y a donc des gens pour acheter les livres ici ? Merci à eux. Et c’est la seconde fois qu’ils sont en rupture de stock, tant mieux pour moi, tant pis pour la mise en abîme.

 

5 _ depuis Lagrasse j’aime encore moins les soutanes
Un homme en stricte soutane s’absorbe dans le rayon magazines pour ordinateurs : on n’y cherche pourtant pas de dieu, nous autres. Que pense-t-il de Lagrasse, l’informaticien soldat du pape ?

 

6 _ harnachement numérique obligatoire
Ici chacun, homme ou femme, est équipé d’un sac à dos incluant ordinateur, c’est la loi à 240 kilomètres de Paris, harnachement fixe avec numérique. Le mien, d’ordi, dans un sac spécial moto, avec son chargeur, l’appareil photo, l’abonnement train, et souvent un livre mais pas toujours (travaux en retard, l’ordi suffit).

 

7 _ auteur en promo, le bonheur
Je feuillette les Inrocks (la vidéo, en plus d’être trash, s’immobilisera quelques secondes). On feuillette tous, ici, bien plus qu’on achète. La critique littéraire est bien discrète dans les rayons. Au lieu de ça, la façon dont on attendait autrefois son article dans la Quinzaine ou le Monde des Livres, le retour qu’on a (en particulier côté professionnels) c’est : — Ah, on en parle beaucoup, de votre livre… Et, en ce moment, mais comment leur en vouloir, c’est le boulot, « vous auriez dix minutes pour un interview téléphonique » (et ça finira immanquablement par : « à votre avis, le meilleur disque de Bob Dylan ? », à quoi je répondrai tout aussi immanquablement John Wesley Harding parce que je me doute qu’ils n’oseront pas demander l’orthographe : mais pourquoi ne pas parler de leur lecture, qu’attendent-ils de 3 phrases qu’on leur dira ? Le mieux ç’aura été la semaine dernière, d’un « grand » quotidien de province : « J’ai feuilleté votre livre, chaque fois qu’on ouvre une page c’est drôlement bien… » Boulot, je vous dis, et encore, dans la vague, je suis loin d’être aux premières loges. Dans la vague, c’est déjà bien, c’est pas tout le monde. Mais on peut avoir la surprise inverse, livre lu, émission préparée, et même des musiques rares, comme aujourd’hui à Lille (merci Antony à la Fnac).

 

8 _ il faudrait des écouteurs bulle aussi pour les yeux
Comment déposent en nous ces signes ?
Encore, ce matin, il n’y avait pas Chérie FM à fond dans les haut-parleurs, vulgarité de service pour tout le monde), est-ce que vraiment ils ne laissent pas de trace ?
Nous sommes instinctivement habitués, dans la ville, à garder barrières et nos repères, séparer le fiable de l’esbroufe, à nous défendre du racolage bas. Peut-être que sur notre écran nous le savons moins, parce qu’il est aussi le lieu de l’intime, du courrier, des photos qui comptent.
Avant de partir, je lisais sur mon écran un texte pointu, mon agrégateur me sélectionne, dans l’immensité mouvante, où pourtant tout est bien plus discret que les magazines sur présentoir Relay, les pages où je n’ai pas besoin d’aller.

 

9 _ forum suspendu, mail.ru trop fort
De faire cette vidéo, ce matin, n’est pas indépendant non plus du ménage que j’avais à faire, depuis plusieurs jours, sur le forum ouvert du site. J’avais multiplié les barrières pour l’inscription (3 étages, incluant une vérification mail), procédé au bannissement de plusieurs domaines pourris comme mail.ru ou tels machin.biz et autres provenances Chine direct (non, y avait aussi des bulgares), mais les robots trouvent les automatismes à mesure qu’on renforce les barrières : ce matin, c’était une pleine page de photos porno, installée malgré moi sur mon propre site... e’est comme aller nettoyer de la merde de chien sur le trottoir au réveil, non merci, c’est pas ce que je souhaite comme dialogue.
Hier, en attendant de trouver autre chose, j’ai donc provisoirement suspendu le forum. Serpent de mer que ce débat sur l’interactivité : c’est le dialogue de site à site qui est empiriquement devenu la véritable activé web 2.0 de la galaxie blogs littéraires : amis contributeurs, faites vos blogs, signalez les mises à jour, on avancera comme ça.
Et fascinant, en même temps, qu’on puisse supprimer tout ou partie de nos sites d’un seul petit clic… Tentation toujours présente, et repos tout le monde.


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 4 octobre 2007
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