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dictionnaire | déclic, déclencheur

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déclic, déclencheur


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Des projets qui vous accaparent des années naissent sans préméditation, d’un hasard tout arbitraire. On ne cesse plus de s’interroger : sans cet arbitraire et ce hasard qui ont induit ce déclic, j’aurais écrit quoi, fait quoi à la place. Ou bien version plus insidieuse : s’en être remis au hasard signifierait-il que par moi-même je n’ai pas ce centre de gravité nécessaire, ce qui vous fait trouver en vous-même les strates et filons d’écriture les plus profonds, justement ce qui vous aussi précieuses et nécessaires certaines oeuvres (Proust, Kafka, Baudelaire, d’autres). Les deux exemples qui me taraudent : en 2003, on visite ce château du landlord de l’île de Skye, bon, un château de plus. Et puis, dans le couloir de sortie, une sorte de galerie souterraine, à peine éclairée ramenant à l’accueil et leur librairie boutique souvenirs, cette suite de photos noir et blanc, ces visages, l’étrangeté d’oiseaux en tas : « St Kilda ». Dans les jours à venir, à Ullapool ou Inverness, j’achèterai tout ce que je trouverai de livres sur St Kilda. Dès le retour, et les années à suivre, toute la documentation possible, y compris de journaux manuscrits conservés à Edimbourg. Je n’ai jamais cessé d’avoir projet de ce livre, alors que je n’en ai que bribes et ébauches, et que le projet de m’y rendre physiquement (pour autant que ce soit nécessaire) semble de moins en moins probable. L’autre fois c’est ce 209 avril 2010, où, rejoignant Boston en voiture, on s’arrête à Providence parce qu’en fait on passe à Providence : Lovecraft pour moi c’était un souvenir un peu gris, un peu terne, en tout cas la langue, la tonalité des histoires. Et puis là, devant la « maison maudite » puis Prospect Park en haut de la ville (apercevoir un clocher au loin, et quand on se ré-immergera dans la ville on sera dans l’incapacité de le retrouver), acheter dès le downtown une compilation des récits de Lovecraft (le seul volume de lui ou sur lui d’ailleurs qu’avait cette librairie pourtant bien fournie, les adresses plus intéressantes je ne les trouverai que quelques années plus tard), et traduirai « pour voir » cette Maison maudite, une sorte de rituel uniquement « pour moi », chaque fin de journée une bonne heure, mais voilà des années que ça dure, plus deux longs séjours. Cette disproportion du déclic, ou du déclencheur, en atelier d’écriture on emmène toujours les participants à le chercher, puis le reconnaître, s’en appuyer. Faulkner serait peut-être celui qui le théorise le plus : minceur et force de la très précise image originelle, l’impulsion qu’on y prend, le côté irréversible, quelle que soit ensuite la disproportion du temps, du travail. Ou peut-être aussi Thomas Bernhard, d’ailleurs le premier livre que j’ai lu de lui : aux Baléares cette femme qui se jette du huitième étage, dans le studio de location voisin de celui ù le narrateur s’obstine en vain sur le manuscrit commencé — et c’est cette chute qui paradoxalement le sauve, en l’écrivant. Je suppose que chacun a ses propres histoires de ce type d’expérience ?

entrée proposée par FB

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La liste des éléments ou objets déclencheurs d’écriture(s) est démesurée, hétéroclite et variable dans le temps. Pour avoir garder traces d’une tentative de son dressage, voilà ce qu’il en était un jour d’automne en 2011 :
— la lecture et la relecture du livre de François Bon, Après le livre ;
— l’écrivaine Marie Ferranti, sur le réseau Facebook, déplore que l’on ait enlevé les tamaris qui jalonnaient la promenade, à l’entrée nord de Saint-Florent ;
— la découverte que ma meilleure amie sur le réseau Facebook, Severa Maiusta, est au fond, pour moi, une sorte d’Heliodore de Sicile moderne ;
— la surprise, feinte, de lire dans un roman policier dont je suis l’auteur, la description d’un objet en plomb en forme de morue qui ressemble comme deux gouttes d’eau au poisson de plomb qui est sur ma table de travail ;
— l’irrésistible envie de partager la photographie de ce poisson de plomb sur le mur de Marie Ferranti ;
— la confirmation avec Le Petit Caporal, le blog Saint-Florent & some other things et la page Saint-Florent Back in the U.S.S.R que mon vieux copain de fac, le restaurateur Lucien Benvenuti, est toujours un hyperactif plein d’humour et que l’écrivaine Marie Ferranti n’échappe pas aux mutations de l’écrit.
— en 1893, l’année où mon arrière grand-oncle découvre à la fois que le détective Sherlock Holmes est un personnage historique et que son personnage romanesque n’est qu’une invention collective impliquant Emile Zola, Guy de Maupassant, Alexandre Lacassagne, Emile Durkheim, Alphonse Bertillon et Cesare Lombroso afin de lutter contre le crime organisé, le peintre Edvard Munch réalise sur un carton Le Cri.
— L’œil moderne, l’exposition présentée au Centre Georges Pompidou sur Edvard Munch, permet de découvrir les expérimentations visuelles que Munch réalisa avec un appareil photographique dès les premières années du vingtième siècle et avec une caméra à partir des années 30. Tous les blogueurs et les utilisateurs de web ou live cam devraient aller visiter Edvard Munch et ses autoportraits de toute urgence.
— un dernier pour la route : Marie Ferranti n’est pas la seule à avoir, comme elle dit, des obsessions minuscules. Moi, en ce moment, ce sont les vaches et les taureaux que le maire de ma commune laisse divaguer.

entrée proposée par Ugo Pandolfi


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1ère mise en ligne 1er mai 2021 et dernière modification le 6 juin 2021.
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