format

M’a toujours frappé, mais comme un élément décisif du parcours, dans les ateliers d’écriture, la reconnaissance progressive d’une adéquation entre telle personne et tel format. Pas de hiérarchie entre les 60 pages des Illuminations et les 3 000 pages de la Recherche. Ce n’est pas une assignation à vie : le premier manuscrit est une expérience un peu comme in vitro, on s’essaye à langue, à structure, à voix, à personnages et surtout à réel et à monde. Jamais par exemple la nouvelle n’a été étape de transition de bref à plus long. Pareil l’expérience du poème, toujours veillé à distinguer ce qui était expérience du cœur nucléaire de la langue, et que le chemin de poésie commençait ensuite, même depuis ce déjà là des premiers pas en poème, et que ce même chemin la prose aussi en avait besoin. Reste que c’est comme une unité de souffle : on respire large, on respire serré, et là commence la perception du littéraire comme geste.

Dans l’idée de format, la dimension fractale : tout le livre contenu en chacune de ses phrases, ou la complexité de structure de la phrase à l’image de la complexité de structure du livre. Et idem pour le lien du livre à l’œuvre. C’est net pour Michaux, chaque livre étant trace solidifiée de ce qui mène à lui-même. Œuvres de grande brièveté s’imposant aux extrêmes de la notion de format : Édouard Levé (Œeuvres, Journal, Autoportrait) pour le bref, Lucy Ellmann (Ducks at Newburyport) ou Iain Sinclair (London Orbital) pour le long, mais exprès pour que chacune et chacun ci-dessous placent leur binôme et pourquoi.

Format : Le format correspond-il à la personne ? Correspond-il au projet ? Le mot de projet ne me plaît pourtant que si on considère qu’il est l’élan d’une personne à une période donnée. Dans ce cas, le projet de La Recherche aurait correspondu à Proust pour toute sa période d’écrivain, ou presque… Et dans le cas de Rimbaud et des Illuminations, on sait bien qu’il y a eu pour lui une période après… Il me semble que dans mes tentatives d’écriture, j’ai connu des périodes à format différents, à format de nouvelles, à format de romans (encore que !…), à format de micro-récits. J’ai repéré là le risque de contamination par une envie de format qui avait convenu à la période d’un autre (tiens, période pourrait faire penser là à celles de la rhétorique…). Trop m’en défendre a peut-être été une erreur… En écrivant Microfûmes, je savais que j’étais sous l’influence des Microfictions… Alors, au lieu du format de cent ou même deux cents fois une page, j’ai fait cent fois un micro-récit à double versant, dont le deuxième aurait laissé perplexes… certains lecteurs et lectrices et finalement l’auteur lui-même !