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dictionnaire | fautes

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fautes


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La nourrice fuit. Je ne suis pas Phèdre. Je fais venir un plombier. Il note nourice sur le devis. Les plombiers manquent d’r dans tant d’eau. Il demeure pour moi la colombe du déluge. La nouvelle nourrice est de dur métal… Une Walkyrie-cantinière. ** Derrière la gueule de balafre de la faute d’orthographe outrancière — pas ces fautes d’accord ou d’inattention, mais ces croyances d’un autre monde, avec leurs étymologies qu’on dirait extra-terrestres, mais qui tout bien considéré sont enfantines, confusion d’une poésie sidérante plutôt que simplification d’une règle trop éloignée, acoquinage de sons et de concepts qui sans cette personne qui les écrit par erreur, mais en toute bonne foi, ne se seraient jamais rencontrés — la nécessité d’écrire est tapie. *** Ces orthographes qui toujours se refusent. La main n’en garde pas plus trace que l’œil. Pas pour nourrice, en ce qui me concerne, mais en l’occurrence, cauchemard, carapaçon…

entrée proposée par Emmanuelle Cordoliani

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Mon ornière d’écriture, c’est l’intime, le quotidien, le vécu. Longtemps l’autodérision était la condition sine qua non pour écrire. Pour donner à lire, il fallait que ce soit drôle, émouvant et drôle si possible. C’était le retour qui me faisait le plus plaisir, qui me donnait l’impression d’avoir rempli le cahier des charges que je m’étais imposé en écrivant le livre. Il y en a eu trois dans cette veine qui parlent du quotidien d’une femme à différents âges de la vie. Ensuite j’ai écrit un livre qui parle de mon pays d’origine et de mes origines familiales à travers un premier amour qui reste présent au fil des ans. C’est pour celui-là que j’ai eu envie d’un éditeur, un vrai. Il ne s’est pas présenté. J’ai continué dans l’autoédition ou assimilé. Puis j’ai retrouvé un des ateliers d’été où nous avons exploré la nouvelle. Un régal et ceux qui ont suivi aussi. Écrire dans ce cadre sous les propositions Tiers Livre a libéré quelque chose dans mon écriture, dont ma psy m’avait pourtant dit, il y a plus de vingt ans quand j’ai publié mon premier livre qu’elle ne l’était pas. Alors que je trouvais moi que j’y étais allée franco. Mais pas dans la forme, puisque maintenant je me retrouve avec une écriture si libérée que parfois elle me semble débridée. Par contre si avant je pouvais vendre mes livres à mes amis, à mes connaissances et voisins, ce que j’écris maintenant ne peut plus être lu que par un public averti, à condition qu’il ait envie de lire ce genre d’histoires, qui ne sont plus du tout drôles. Mais comme on écrit avant tout pour soi, aucun retour en arrière n’est envisageable.

On écrit avant tout pour soit ! [1]

Faute d’orthographe, écrire pour soit de ainsi soit-il, le livre, tel qu’il doit être et il n’y a plus qu’à l’accepter, et tant pis s’il choque, tant pis s’il n’est pas vérité absolue, mais juste la vision subjective, momentanée et délibérée, on écrit pour soit, du verbe être, on écrit avant tout pour être, faute d’orthographe puissante d’un autre sens qui réclame d’être mis à jour. Faute de conjugaison. La première dont ma mémoire garde trace. Il faut conjuguer l’auxiliaire être, le corps de la mère à côté de l’enfant à la table de la salle à manger, qui va partir bientôt, à qui est promis tout le week-end chez les grands-parents et c’est le pont à passer qui enjambe le fleuve puis grimper sur l’autre versant de la vallée, l’oreille à guetter le bruit du moteur de la petite voiture bleue et non pas celle d’avant, la grosse Chevrolet qu’elle n’avait pas connue, conduite par le grand-père qui invente des histoires, et pas celles des livres avec les mots déjà écrits sur la page, des histoires écrites nulle part, avec un chat qui met des choses dans sa valise et eux les enfants doivent citer tout ce qu’il mettra dedans, Bon-Papa qui tape sur les verres avec son couteau pour que les enfants devinent de quel chanson il s’agit entre Au clair de la lune ou Frères Jacques en attendant que Bonne-Maman amène à table les macaroni au jambon, mais avant il faut faire la conjugaison et c’est la toute première, il faut savoir par cœur, donner les bonnes réponses à la mère avec son corps pressé et raide d’un énervement communiqué au corps de l’enfant qui s’agite avec le plat des cuisses qui colle à la chaise vernie et soulever tantôt l’une tantôt l’autre et ça fait du bruit pour le distraire lui, impatient de bouger, se lever, de quitter la table les devoirs la maison pour partir et la voix répète je et attend que l’enfant poursuive et dans la tête de l’enfant que du vide après le je rien après le tu oui es après le il aussi est mais après le je rien ne vient la voix de la mère plus forte résonne dans les oreilles pénètre dans le crâne et bientôt les menaces le chantage, si tu ne trouves pas tu n’iras pas, l’enfant à chercher de toutes ses forces après je qu’est-ce qui vient du verbe être, je est, bien savoir que ce n’est pas cela, je quoi alors, l’enfant donnerait tout ce qu’il a pour trouver ce qui vient après je du verbe [2] être, il sent que la menace va devenir sentence, c’est une question de minute et voilà elle est tombée, le eh bien tu n’iras pas, et quelque chose vole en éclat à cause de la première conjugaison, tout son week-end à l’eau, la déception comme le corps qui se liquéfie, d’une excitation joyeuse qui disparaît d’un coup comme ce qui suit le je de l’auxiliaire être, je quoi, dans le flot des concentre-toi, tu es idiote ou quoi, tu le fais exprès, ce n’est pas possible, arrive le tu n’iras pas, tant pis pour toi. Et pas n’importe quelle conjugaison, pas n’importe quel verbe jouer ou cuisiner, pas n’importe quel pronom personnel, ce qui s’est absenté dans la cervelle enfantine, imprégnée des imprécations de la mère, c’est juste je suis. Je suis que l’enfant ne prononcera pas. Écrire, c’est comme apporter réponse tardive et dire je suis.

entrée proposée par Anne Dejardin

 



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1ère mise en ligne et dernière modification le 8 avril 2021.
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[1Codicille : lapsus ou faute d’orthographe qui a donné passage à ce qui s’est écrit juste après.

[2Être comme verbe, une action qui peut nécessiter toute une vie.