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posture


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Souvenirs de posture : cahiers dans le sac, les cahiers ne se remplissent pas assis à la table, mais dans les trains, les cafés, au lit. La dactylographie supposait une pré-version manuscrite, au moins parcellaire, issue des cahiers. La dactylographie ne permettait pas le changement de posture, ni le premier Atari 1040. La révolution de la posture est venue en 1993 en passant au PowerBook, se poser n’importe où dans la maison, ou dans les trains et les cafés, ou sur ses genoux. La révolution suivante attendrait 2010 : l’arrivée de la tablette, et le lire/écrire numérique mi-allongé, mais jamais je n’écrirai beaucoup sur une tablette. Par contre, avec l’allègement des ordis portables, leur autonomie accrue et les progrès des cartes graphiques, puis cette autre révolution, en 2004, du bureau multi-fenêtres, le premier jet se fait à l’ordi, mais en position mi-allongée, pièce mi-obscure, une sorte de fétichisme du premier jet à ne pas être rédigé à la table. En 2002 j’achète ce pupitre normalement prévu pour que les musiciens posent leur laptop sur scène : je peux alterner position assise à la table, et position debout, l’ordi sur le pupitre. Quand je suis debout au pupitre, les pieds et le dos bougent, ça peut aller jusqu’à une danse, l’énergie monte du sol, vraiment j’écris autrement. Vient le temps de l’écran externe, débrancher l’écran, le disque dur, la sécurité Time Machine, je me fais paresseux : le premier jet oui, j’emporte l’ordi pour la position mi-allongée, mais ensuite c’est plutôt l’écran externe. J’essaye de penser quand même ceinture abdominale, appuis, position des coudes, repos oculaire. Même paresseux, j’ai compris l’importance de la posture.

entrée proposée par FB

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Attendre d’être choisie. Attirer l’œil de loin ou faire son cinéma. Talons hauts, guêpière, rouge à lèvres et faux cils, découvrir les dents et battre des paupières, sourire permanent comme maquillage, peau exposée, dénudée, trop. Peu d’élues. La bagarre rude. Être choisie pour vivre. Se nourrir. Rester vivante. Et tant et tant depuis la nuit des temps à arpenter les trottoirs et se maintenir sur la crête de leurs fantasmes. Mortifère position. Tu te condamnes toi-même, tu seras ton bourreau. Choisie ou pas au bout du compte, c’est le même désastre. Un effondrement programmé. Ton souffle à dépendre de celui qui le laissera filtrer d’entre les doigts plaqués sur ta bouche. C’est suffoquer plus que respirer. Tu reprendras ton souffle comme après un sprint, le temps où l’air te parviendra librement est compté et de le savoir ton rythme cardiaque toujours affolé. Ce qui était ta force créatrice, ton talent infime vacille et bientôt s’éteindra. C’est inévitable. Ton naufrage est proche. Tu regardes de côté. Tu la croises elle. Elle à n’attendre personne. Elle si partout présente. De n’attendre personne. D’être déjà passée à la suite de là où elle est visible. Elle danse sur tous les trottoirs et les rues et les murs, petite bille de mercure, grise et ronde. Partout plaqués ses mots avec parfois aussi ses images comme flot intarissable. Elle n’a pas d’accessoire, à part un nom de star qu’elle n’a même pas choisi et une jeunesse éternelle à cause de cela justement, parce que ses yeux hors champ à l’approche des phares de voiture. Vais-je être choisie, remarquée est une phrase qui ne fait pas partie de son vocabulaire. Occupée, habitée, en mouvements. A écrire de ta main, à enfoncer les touches du bout de tes doigts, à arpenter de tes pieds, à explorer les limites de l’espace de ton corps en mouvements, tu espères les repousser plus loin, tu crées comme on dégage, débroussaille, ouvre un passage à la machette. Tu écris, tu filmes, tu donnes titre, tu mets en ligne, tu dis merci aussi, toujours, merci grand, merci pour celui qui est passé par là, mais que tu n’attendais pas, que tu n’attendras pas, la tête et les mains déjà ailleurs, à pétrir le monde et à malaxer les mots et les images comme pour trouver une texture qui ferait tout tenir ensemble, une pâte sans grumeaux, qui nourrirait et ferait du bien. Elle n’attend personne. Elle avance. Une invitation à la suivre.

entrée proposée par Anne Dejardin

 



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1ère mise en ligne et dernière modification le 5 avril 2021.
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