contribution auteur | Tristan Mat

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Tristan Mat vit. Ailleurs. Il écrit. Son site ici.

Ses contributions à l’atelier ville.

Propositions 1 _ 2 _ 3 _ 4 _5 _6 _ 7 _ 8 _ 9 _ 10

proposition n° 3

La ballade dit que le cavalier traverse au galop une plaine enneigée et déserte. Il souhaite atteindre le lac de Constance avant la nuit pour trouver le passeur. Arrivant devant une maison, il s’arrête et, à sa question, la jeune fille sur le seuil lui répond que le lac est derrière lui et qu’il vient de le traverser. Le peur le foudroie et il tombe mort de son cheval.

Il s’avance, apaise son cheval, se retourne pour regarder une jeune fille au milieu de ceux qui le regardent. Il entre dans l’eau. La légende dit qu’il ressort de l’autre côté du lac, noir de vase et d’algues et qu’il erre sans fin dans la forêt.

Le cavalier pose pied à terre lorsqu’une jeune fille lui apprend au cavalier qu’il vient de traverser le lac gelé. Son regard émerveillé le ravit. Il demande l’hospitalité. La nuit, comme ils s’étreignent, le cheval disparait. Les vieux se disputent, d’aucuns invoquant un voleur, d’autre le mystère, feignant d’ignorer qu’il n’est rien qui ne soit le pantin du mystère. Le cavalier ne quittera plus le village.

Nul qui ait su de son entreprise. Nul pour s’enquérir de lui. Silence des oiseaux. Nul ne le dit : en traversant le lac, la glace s’ouvre sous lui. Il n’a même pas écrit son nom sur l’eau.

proposition n° 2

… les livres non, jamais parlé de livres, ce que je peux vous dire c’est qu’il buvait sec le vieux Malt, je ne crois pas que vous sachiez ce que cela veut dire, évidemment vous pensez à la distillation - tonneaux, reliures - au temps qui magnifie, pas de papier bible ici, l’alcool ne sert que l’ivresse, pas de plaisir, pas de lyrisme, il se taisait encore plus intensément, ses mouvements ralentissaient, économie devenant élégance, mais je me demande encore quel était son rythme, bordel, sa densité s’accroissait, un de vos ambassadeurs moisis parlait d’un cavalier mettant une heure à traverser la place d’armes à Versailles au galop, mais ça pue le paradoxe, l’image comme vous dites, et vous vous perdez dans les figures, faisons plus simple, essayez de marcher dans votre vieux monde en toute lenteur sans jamais vous arrêter et vous aurez peut-être compris quelque chose, je l’ai fait souvent avec lui, de place aucune ici, rien de clos que dans l’allongement, l’étirement, des quartiers aux maisons reproduites, dupliquées, pas toutes identiques comme vous alliez le dire, cela vous brûlait la langue, le vertige c’est justement qu’elles sont toutes différentes, et on pourrait aller à l’infini, je vous donne quand même du foin, un gros mot à mastiquer, sans voir deux fois la même, on allait sur des trottoirs que nul ne foula avant nous et nul après nous, pas de chien pour réveiller la peur, il tranchait, j’essayais de me contenir, mes phrases s’allongent quand je bois, j’incise à tout va, il m’aurait laissé en plan, volte-face, adieu monsieur, combien de fois l’a t-il fait, je devais y aller lentement, laisser l’alcool s’enfoncer en moi sans effervescence, marée qui monte sans vague, toi tu, la phrase n’allait guère plus loin, je dis phrase mais seule comme le coup de couteau, une loi veut trop, l’aphorisme cherche l’architecture, des sentences, oui, des sentences, se foutant d’être juge, je ne vous répéterai rien, ça plombe encore, lest qui empêche la barque de chavirer – tu veux écrire, tais-toi.

proposition n° 1

Devant le vide. Et derrière, s’appuyer sur le vertical de la masse sans fond qui pousse.
Ce pourrait être le givre et la buée à ta bouche dans la chambre immobile, et tu crois encore – cela s’appelle le matin – et tu t’approches comme à toucher le verre de la vitre. C’est le train qui ne se détache pas du paysage et les gouttes écrasées, étirées. Ce sont les toits, clochers, terrasses, tu retombes sur tes ongles, l’écran vide, tu repars vers la peinture écaillée. Ce sont les bulles à l’intérieur induisant transformations de l’espace. C’est la poussière invisible maitresse des couleurs. C’est l’aller retour table horizon, mot vide. C’est le bord. C’est la limite. C’est le ciel brossé au mitral dans toute la chambre. C’est le plâtre écaillé à côté du miroir. C’est l’œil qui tombe de l’image. C’est le titre. C’est ce qui est découpé. Ce qui est hors.
Elle passe. Elle passe. Elle passe.



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1ère mise en ligne 26 décembre 2018 et dernière modification le 4 janvier 2019.
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