Sam Cambio | Alcool

–> AUSSI DANS CETTE RUBRIQUE
L’AUTEUR

Enfant du swing, Jacques Bianco, dit Sam Cambio, fils de Marie Bellocchia, reconnu par Giorgio Bianco, est né le 28 mai 1946 à Marseille.

Les femmes de sa famille ont mis trois jours à annoncer à son grand-père Felice Bellocchia, docker, « que le petit de Marie, sa fille, était noir ».

À trois ans, selon les dires de sa grand-mère, un homme de sa famille lui a cassé l’os du nez pour que plus tard, boxeur en combat, « il ne sente rien ».

En 1968, à Arles et dans sa région, chômeur sans papier, il a assuré, armé, la sécurité de la permanence (où il a été présenté comme faisant partie de « l’École des Gorilles de Paris »), des meetings, des colleurs d’affiches, de la candidate gaulliste aux élections, Marie-Madeleine Fourcade, fondatrice du réseau de résistance Alliance lors de la Seconde Guerre mondiale.

La place au nom de Mme Marie-Madeleine Fourcade, présidente du Comité d’action de la Résistance, de 1962 à 1989, se trouve dans le XVe arrondissement à Paris.

En 1973, Sam Cambio a fait partie de l’équipe fondatrice du quotidien Libération.

En juin 1975, il fut le premier reporter de Libération à obtenir une distinction honorifique, la Plume d’argent de l’Argus de la presse et de la publicité, pour l’article « In memoriam Joséphine ».

Il a été l’inspirateur de l’exposition itinérante d’art contemporain « La Route de l’art sur la Route de l’esclave », commissaire Régine Cuzin, inaugurée le 18 juin 1994 à la Saline royale d’Arc-et-Senans (Doubs).

En 2000, il a été invité par Jean-Michel Rousset, alors directeur de l’Alliance française de Kano (Nigeria), pour une résidence d’écrivain de 3 mois.

De 2001 à 2013, il a occupé le poste de surveillant-accueil au Musée d’art moderne de la Ville de Paris.

En 2010, Sam Cambio est invité à Montpellier par la galerie AL/MA et les éditions Méridianes à l’exposition « Nathalie Leroy-Fiévée ». Un leporello de cette artiste illustrant le recueil de poèmes « Biographies » y est montré.

En 2011, il participe à l’exposition « 130 artistes, pas au-delà du vernissage », organisé par l’association le « Bar du Marché » à C.O.N.S.O.L.E., à Paris.

En juin 2014, à l’invitation de l’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy, il a exposé « Mes Géographies » au musée d’Art moderne de la Ville de Paris et simultanément, « Une tache de sang noir dans la lavande » à la galerie Ygrec de cette École à Paris.

En mars 2015, il a animé des ateliers poésie au Kenya pour 27 étudiants des universités de Nairobi et Kenyatta, élèves des Alliances françaises de Nairobi et Mombasa. Ainsi que des ateliers poésie avec 6 classes de CM1 – CM2 (120 enfants) du Lycée français Denis Diderot de Nairobi.

En 2015, il est auteur du texte Gourmet-Gourmand dans la collection « Torchon littéraire » de Stéphanie Radenac, designer.

Écrivain polygraphe, il rédige les chroniques pour le Facebook du Club Le New Morning, Paris où il est aussi chroniqueur pour New Morning Radio Libre, créée en juin 2015 par Catherine Farhi.

Suivie et contact : sa page Facebook.

LE TEXTE

Bambin, né de père inconnu dans une famille d’origine italienne, ayant eu droit à son morceau de sucre trempé dans de la « blanche » provençale – proche cousine de la grappa – ou dans du vin, j’ai cessé de boire il y a sept ans. Même pas un baba au rhum. Je suis resté tolérant.

Quand je buvais, ma devise était : un verre ? le tonneau !

J’ai des tonneaux d’avance.

Il manque ici le montant des ardoises imposées par le besoin de boire, disons que c’est la part des anges.

La poésie est un art martial.

Et j’ai tant d’indulgence pour cette phrase (de l’Orient ancien ?), titrée Vin : « si sa coupe a rougi le creux de ta main, tu marcheras droit la nuit car cette main tient l’étoile ».


© Jean-Michel Rousset, 2010

Alcool, ce trou noir d’avant l’existence.

*

Lion à minuit, couillon à midi.

*

Assommé, par derrière, par un tabouret de chêne, agenouillé, je n’ai pas été achevé.

*

Un shoot de basket m’a occasionné une lacération de la conjonctive. Opéré d’urgence et côte fêlée.

*

Adolescent rapide il a pris mes clés que j’agitais sous son nez et s’en est allé courir silencieux dévaliser Régine qui dormait.

*

A ma sortie de l’aéroport, Bouboule Malespine m’a dit :
« Nous, nous sommes les Békés, si ça te plaît pas tu peux repartir. »
J’ai ri et on s’en est allé boire notre premier petit punch.

*

Préparer, près de la tête du canapé, dans le salon, une bassine pour vomir était devenu, la nuit, un geste quotidien.

*

Sinon, je vomissais dans les plantes vertes.
Comment a-t-elle pu supporter ça pendant des années ?...
Un quart de siècle !

*

Effondré dans les sacs poubelle j’attendais, isolé, que cela passe.

*

Bar. Savoir y rentrer, savoir en sortir.

*

J’étais seul au Bar et j’ai demandé au Barman :
« C’est mon verre ? »
Jean Castel, très tranquillement assis, seul lui aussi, a dit au Barman :
« Mettez des verres partout ».

*

Eddy le Turc a fait un cocktail à mon nom :
Curaçao rouge, jus d’orange et gin.
Puisque, m’a-t-il dit : « Tu es un peu fofolle ».

*

Eddy le Turc savait laisser de l’eau au dessus du verre de raki. Il appelait ça : « Les lèvres de la Bien-Aimée ».

*

Ivre, j’ai demandé à Eddy :
« Fais-moi un truc qui m’endort en deux minutes ».
Qu’a-t-il fait ? Deux minutes après je dormais.

*

Et, bien sûr, je pense à Kiki Lisette dit Lucifer.
Le motard le plus rapide de l’île à
« l’œil qu’a vu, à l’œil qu’a bu ».

*

Toutes ces langues que je ne comprends pas sont le cœur de mon existence.

*

Mon cœur bat dans un incommensurable secret qui s’appelle la Chance.

*

À boire ! ou je tue le chien.

*

Gégène m’a dit : « Je vais changer le poisson, fais-y attention, merci ».
Il allait pisser et j’ai regardé son verre de vin.
Tout ce qui l’entourait me concernait.

*

Dans un geste, dramatiquement dérisoire, il est facile de coller avec de la salive un billet de banque sur son front et de rentrer dans le bar en disant :
« A boire pour tout le monde. Tournée générale ! »

*

Lorsque, après le pourboire, les barmen disent :
« Royal au Bar ! »
une grande déconvenue m’envahit.

*

Pour un alcoolique il y a les Gamma GT.
Mais, par gag, selon le degré, on peut dire aussi :
« Gamma GTI ! ».

*

Le premier verre amorce la pompe et l’on a soudain envie de percer le tonneau à la hache, de le soulever à bout de bras et de boire à grandes goulées.

*

Quand je suis arrivé à Paris – 70, 1971 ? – j’avais une adresse : Bar le Tonneau, Place de la Contrescarpe.
Là, pas de Tonneau.
Dans un autre bar, sur la place, j’ai rencontré (nous sommes devenus immédiatement amis) Gérard Dupuy.
Il m’a dit : « Le Tonneau, c’est moi ».

*

J’ai un tatouage sur l’épaule.
Qu’ai-je pu dire à cette tablée de tatoués pour que l’un d’eux ait envie de me poignarder ?

*

Il y a des jours et des nuits (« une neuvaine… ») de mélanges
et puis… on se retrouve seul.

*


— Tu ne bois plus ?
— Non. J’ai quelques tonneaux d’avance.

*

J’ai l’angoisse de la bouteille à moitié pleine.
Et, quand il n’y en aura plus ?

*

Si je bois c’est pour rendre les autres intéressants.
W.C. Fields

*

Tôt le matin 1, 2, 3, 4 bars et je demande :
— Tout s’est bien passé hier soir ?
— Oui, pourquoi ?
— Je ne m’en souviens plus.

*

L’alcool ? j’ai bu depuis la petite enfance
(…parfois, du vin dans de l’eau et, pour les grandes occasions, un p’tit canard dans de la Grappa…)

*

Bien sûr, j’ai toujours beaucoup bu.
Mais, il me semble que j’ai bu plus encore lorsque les jeunes filles, les jeunes femmes, ont commencé à m’appeler « Monsieur ».

*

J’ai été nourri au sein.
Je comprends donc parfaitement l’expression :
« Téter la bouteille ».

*

« Optimistes de bars ? Remettez-nous ça ! »
J. PH. L…

*

Boire un « coup de sécurité » c’est boire un verre qui annule tous les autres pour pouvoir continuer à boire.

*

« Bois sans soif », mon ange gardien, a du boulot.
Il fait fi de mes chutes zigzagantes et, par tous les chemins, m’emmène à bon port.

*

Combien de fois ai-je emprunté de l’argent pour boire sachant qu’avant de rendre cet argent il m’en fallait, entretemps, pour boire ?

*

Tiens, combien de fois ai-je fouillé son sac à main pour y subtiliser au moins de quoi boire un demi de bière ?

*

On offre un coup en attendant que l’on nous offre la pareille.
Et, attendre c’est long, long, long, très long
quand on n’a pas d’argent pour remettre ça tout de suite.

*

Il m’est souvent, très souvent arrivé, sans argent, d’attendre l’arrivée de quelqu’un, de quelqu’une,
sachant qu’immédiatement il, elle, dirait :
« Tu bois un coup ? »
Phrase plus qu’heureuse.

*

Boissons du Nord, de l’Ouest, de l’Est, du Sud.
Au point central culmine la chute.

*

Je bois parce que ça va dans le ça va pas.

*

Après l’apéro,
Jean-Pierre est mort étouffé
par un trop gros morceau de steak.

*

Dans un Relais Château Sylvie R. à qui je demandais :
« Qu’ai-je fais hier soir ? »
m’a répondu :
« Tu lévitais ».

*

Je bois parce que sur une plage, en Guadeloupe,
j’ai entendu une jeune fille dire à un jeune garçon :
« Si tu me veux, nage jusqu’à l’horizon. »

*

À l’heure de la fermeture du Rosebud, rue Delambre,
on a pris l’Harley à trois.
Sans casques, en sens interdit, sur le trottoir.
Elle était entre Gérard Legangneux et moi.
Un policier nous a arrêtés.
« C’est pas grave. Pour cette fois ».
On est reparti.

*

Deux Bretons inconnus sont venus s’asseoir à ma table et m’ont raconté une histoire.
« Deux amis vont à la pêche et l’un dit à l’autre :
« On a pris douze bouteilles de vin et une baguette de pain. Qu’est-ce que l’on va faire de tout ce pain ? »
J’étais seul. Je buvais de l’eau.

*

Blanc sur rouge, rien ne bouge.
Rouge sur blanc, tout fout le camp.
Ou est-ce le contraire ?

*

Bien sûr, une bouteille de bière, au bon format, ne sert pas qu’à être bue.

*

Derrière mon front, la faune et la flore qui ont macéré crépitent de mystères.

*

J’appelle une ex ou je me saoule la gueule ?
Je me saoule la gueule !

*

Un clochard m’a tendu sa bouteille.
J’ai pris bien soin de ne pas la finir pour éviter l’esclandre et je suis parti.

 



Tiers Livre Éditeur, la revue – mentions légales.
Droits & copyrights réservés à l'auteur du texte, qui reste libre en permanence de son éventuel retrait.
1ère mise en ligne 20 décembre 2015 et dernière modification le 3 mars 2016.
Cette page a reçu 1370 visites hors robots et flux (compteur à 1 minute).