< Tiers Livre, le journal images : dyschronie

dyschronie

Dyschronie brutale : depuis l’arrivée ici fin août, le temps était réglé par un double pic hebdomadaire rapproché, le cours à Québec et le cours à Montréal, parfois avec variantes sur le même thème ou auteur, parfois en les laissant diverger. Mais c’était chaque fois le rendez-vous intérieur principal, non pas se l’imposer du dehors, mais cette sorte de rejointement qui s’effectuait entre le questionnement sur tel point, réel, forme, fantastique, image, mental pour l’atelier personnel et ce qu’on avait à présenter aux étudiants pour les y emmener. Ensuite, il y avait cet échange via les textes envoyés, etc. Là, c’est fini : semaines à blanc, parole tue, et reste encore 2 mois pleins. La ville paraît soudain dure et étrangère – occupée de son activité, tandis que nous n’y avons plus part. Il faudrait prendre une voiture et partir là-bas, vers Natashquan ou bien ce qu’on se promettait d’aller voir des grands gisements de l’Alberta. Au lieu de ça retrouver le dispositif premier, les deux écrans (ou, selon l’heure, l’écran unique de l’ordinateur portable qu’on emmène à la bibliothèque, très différent de travailler dans cette compagnie arbitraire), et ce qu’il y a d’anxiogène à retrouver la totale permission des heures. Disciplines à se refaire. La contrainte du travail extérieur, je ne l’ai jamais sentie préjudiciable au risque à prendre dans ce qu’on affronte seul. Probablement aussi pour cette crise plus grave, le livre plus envie : elles sont tristes, les librairies, dans leur routine du dernier paru, des livres de recettes de cuisine ou bien à la gloire des sportifs du cru, ou l’étouffement des livres à diffusion massive. On n’avait pas, il y a encore quelques années, à se poser ces questions. On travaillait dans ses cahiers, et des cahiers au livre il y avait comme une continuité, une porosité. Les cahiers sont devenus ce qu’on expérimente sur le site, et c’est le site aussi qui devient livre. Réapprendre les repères, au cours des heures. Partir à l’aventure de ce que Denis Roche avait si bien nommé, autrefois – quand on ne s’étonnait même pas qu’il contourne le mot « livre » – dépôt de savoirs et de techniques. C’est W.G. Sebald qui est revenu sur la table.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 5 mai 2010
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