< Tiers Livre, le journal images : 2007.01.05 | Carpeaux, via Frédéric Bleuet

2007.01.05 | Carpeaux, via Frédéric Bleuet

une autre date au hasard :
2008.06.02 | Lille, palais à louer

Mon éducation à la sculpture, je la dois tout entière à un gars qui s’appelle Frédéric Bleuet, dont je n’ai pas de nouvelles depuis longtemps. C’est lui qui m’a appris à déchiffrer ce qui se tord et s’accumule de force dans ces glaises d’apparence faussement imprécise. Si rares, les grands hommes de terre. Alors hier je suis tombé en arrêt sur cette minuscule figure de Carpeaux comme si elle catalysait tout ce qui était à cet instant la vie. Ça s’appelle simplement imploration (c’est à Orsay, qui est devenu une sorte de centrale entropique d’accumulation de clichés numériques — bizarre effet sociétal, en particulier ceux qui sont incapables de débrayer les bips et les klaxons de leurs prothèses à pixels). Après, j’ai revu les Monet d’Argenteuil, oui, Monet, ou cette impasse avec profil d’usine. Plus Carrière. On marche aussi dans les autres salles, on vient se coller le nez à un détail, on prend l’énergie que les grands toiles, à condition de se placer bien en face et d’ouvrir légèrement les paumes, émettent (cela aussi, à Rome, des passants comme Balthus nous en laissaient deviner la tradition très secrète), on salue des amis comme Courbet, la repasseuse de Degas ou les cheveux de Rimbaud. Mais Carpeaux, c’est autre chose qui s’est passé. Ce qui vous tient à l’arrêt s’appelle art.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 5 janvier 2007
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