< Tiers Livre, le journal images : 2009.04.25 | Proust, de Balbec en Cabourg, ça le fait pas

2009.04.25 | Proust, de Balbec en Cabourg, ça le fait pas

Du nom magique de Balbec... Qu’on ne s’y méprenne pas : ce n’est pas Cabourg qui souffre, ou qui ferait honte, plutôt la France tout entière, l’appétit marchand des villes, le désastre des zones péri-urbaines généralisées.

Pour chercher quel haut de crique pourrait abriter La Raspellière ou les ocre d’Elstir, on en croise combien, de ronds-points, de Picard Surgelés et de Lidl ou d’Hyper U ?

Mais les pommiers sont en fleur, et les verts ici comme jamais ailleurs. On admire, en surplombant de la corniche au soir, le culot de madame Duras d’avoir choisi l’exil en ses Roches Noires : ici la plage est abstraite, les tankers glissent au loin, le monde elle l’a jeté arrière son dos.

Alors Cabourg : comme nous avons tous rêvé, aux grandes séances du restaurant dans ce Grand Hôtel, donc nous connaissons tous les clients, les Cambremer, Charlus, Villeparis, le patron et ses saillies de langue, le lift et ses amours. Ou simplement ces effets de lumière dans les persiennes de la chambre au matin, à l’heure de la fanfare, et cette lumière des vitres du restaurant directement sur les planches bordant la plage, quand il devient métaphoriquement aquarium (c’est le nom du petit troquet en contrebas sur le sable, où on est accueilli très aimablement).

On vient donc regarder à nouveau les verres fumés du Grand Hôtel, et on cherche intérieurement la conjonction du livre et du réel.

Sans parler de ces vraies madeleines comme si la madeleine de la Recherche ne venait pas de chez tante Léonie, à Combray, bien loin d’ici ?

Elle sera où, cette traversée du réel au livre, surgira de quel écart ? Peut-être, au retour, à ce virage pris dans la côte, avec échappée falaise, un vieux clocher et les pommiers. Ou bien au nom Bricquebec aperçu sur un panneau.

La tache noire du capteur de mon appareil photo, non réparable (ça coûterait plus cher que le Lumix) est désormais la signature malheureusement définitive de mes images !

 

Et post-scriptum : le train de la Raspelière, oui on peut en suivre la trace. Voie unique, et pas grand passage. Mais les gares sont là. Ici celles de Villers, la deuxième depuis Cabourg après Houlgate. Sauf, évidemment, qu’on n’imagine plus en descendre ni la princesse Sherbatoff, ni Morel ou Brichot.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 25 avril 2009
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