< Tiers Livre, le journal images : 2008.06.19 | Bourges, gargouilles à tuyau

2008.06.19 | Bourges, gargouilles à tuyau

L’an prochain, il y aura souvent le département du Cher sur ce site : on l’arpentera depuis Noirlac, et pour moi c’est un rendez-vous que je sais important – peut-être se confronter à une France chargée de vieille histoire, celle qui était la mienne au temps de l’enfance, des lectures du Grand Meaulnes. Dans cette phase de préparation, rencontrer progressivement ce tissu de ceux qui luttent, mettent en partage.
Ainsi, reçus par Georges Buisson au palais Jacques Cœur, découvrir ces photographies prises par Stéphane Martin de détails de l’architecture, personnages médiévaux, ou cette « gallée », vaisseau commerçant voile déployée, qui est le seul témoignage des vitraux d’origine, photographies repeintes par les détenus de la maison d’arrêt. Plus tôt, le photographe Michel Zoladz avait travaillé sur les « personnages à leur fenêtre » et les anges, avec d’autres publics. Moi, depuis la vie de Jacques Cœur, j’aborderais bien le thème de l’argent.

La cour intérieure du palais Jacques Cœur, ce personnage multiples visages, voyageur, aventurier, puis commerçant, banquier, et finalement exilé, croisé, est en réfection. Il s’agit d’être efficace, personne ne leur a demandé ce qu’elles en pensent, à cinq siècles de distance : on a mis aux gargouilles du 15ème siècle le nez dans des tuyaux de plastique, qu’elles pleurent directement dans la cour, et, même là qu’il fait beau et ne pleut pas, on les laisse à leur télescope, braqué sur notre monde d’aujourd’hui, tout en bas. Elles cachent dans le tuyau leur museau noir, dans l’univers de la pierre rénovée, reblanchie. Vues de l’intérieur du palais, à travers les verres épais des vitraux, ce sont d’autres distorsions.

Georges Buisson, responsable aussi de Nohant, la maison de George Sand, nous fait découvrir d’étranges détails, mais surtout parle toujours de la lumière : première fois qu’on s’éloignait d’un bâtiment militaire pour laisser entrer la lumière dans un palais civil. Un peu plus tard, à la Maison de la culture (qui va entrer pour 2 ans en travaux : le béton vieillit mal, quand bien même inauguré par André Malraux) et dans une salle de réunion sans fenêtre du CDRP, où on parle des collèges ruraux au pays du Grand Meaulnes, quand la misère grandissante des villes renvoie au pays d’origine des gens en grande détresse, je repenserai à ces lumières et ces volumes, et tous ces visages sculptés du palais Jacques Cœur. Alors, même dans la rue, découvrant pour la première fois qu’on peut choisir son modèle de monument funéraire d’après modèle réduit en poussière de granit reconstituée, droit venue de Chine, et tandis qu’avec Paul Fournier et Fabienne Denié, de l’équipe Noirlac, on revient vers la gare, le temps est dans une étrange disjonction.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 19 juin 2008
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