2014.03.09 | inventaire du pont de Tonnay-Charente
Comment aurais-je refusé cette généreuse invitation de Jérémy Fabre et de son équipe de la Maison Gracq à intervenir (sur Lovecraft en solo, et avec les collègues de la collec Perec 53), samedi 30 août, à la maison Gracq de Saint-Florent le Vieil ?
Ne serait-ce que pour témoigner de la résilience et de la bonne rage de ce lieu jeune et atypique, encore plus cette année après le misérable retrait d’un de leurs principaux soutiens financiers, la Région Pays-de-Loire ? (Et pouvoir y prendre, outre plaisir de faire connaissance des auteurs en résidence, et de Gwen de Bonneval qui, vivant à Saint-Florent le Vieil, dessine Saint-Florent le Vieil, des nouvelles du master Limès médiation du livre de Poitiers, et de l’IUT métiers du livre de La Roche-sur-Yon via les deux jeunes en service civique par tour de six mois, on en parle de ça, dans la déconfiture des institutions culturelles ?)
Pourtant, ça n’allait pas de soi. Le 6 novembre 2004, j’y étais entré, mais alors accompagné par le vieux monsieur, et c’est une après-midi qui forcément compte, on est dans une intensité intérieure où tout marque. Le vieux monsieur parti, tout a été vendu, les meubles, les livres, et même le petit écriteau en carton pendu par une ficelle à la porte de quand il partait chercher son journal et le pain.
Mais, si j’avais marché dans cette chicane de vieille pierre grise, puis dans le couloir un peu humide, et qu’il m’avait accueilli dans sa pièce à vivre, je n’aurais pas sollicité de lui qu’on visite aussi la cuisine et encore moins, juste derrière, le potager et le fil à linge.
Aujourd’hui, c’est différent : les pêches de vigne et la treille accueillent, des bénévoles entretiennent dans son esprit originel ce potager où j’en reconnais mille de son âge. À l’étage, les studios et bureaux des résidents, là rideau (ce n’est pas pour moi, ces projets où on décide un an à l’avance que tel mois on viendra là et qu’on écrira ça), et tous ces coins et recoins d’île Batailleuse ou des Eaux étroites je les connais par les livres — et ça je le porte au dedans, en tant que mécanisme, pour avoir arpenté la maison de Proust à Combray, les vieux murs de Rabelais à Seuilly ou actuellement les pierres mêmes de Balzac, et même le fabuleux petit musée du Grand Meaulnes, tiens, et de ce livre aussi on avait parlé avec Gracq.
Alors qu’est-ce que ça peut faire, les coulisses (il n’y a pas de coulisses, ici, rien qu’une maison qui se définit par ce qu’elle entreprend et accueille) ou le backstage (les cloisons respectées, les planchers et boutons de porte, la lumière aux fenêtres et même lui, ses photos, sa silhouette). C’était juste aller à la rencontre : de ce socle commun qu’ici en Ouest on peut avoir. Je ne suis pas indiscret : je lis.
L’émotion aussi, dans la bibliothèque : les étiquettes jaunes sont les livres mis à disposition des résidents ou ateliers, les étiquettes blanches les livres qui appartenaient à Julien Gracq. Bien sûr, tout ce qui valait a été vendu. Mais nos envois à nous, comment ils auraient intéressés les chancres ? Je retrouve Tumulte ou Daewoo dédicacés, et idem trois Bergounioux, avec dédicace encore plus humbles que les miennes.
Même cette cave encore dans son jus. On aimerait moins de voitures sur le parking — ou la noyade de leur affreux poisson municipal en tôle, même pas soluble —, on aimerait rester là trois jours pour filmer comme cela se doit mais non : on garde juste trace et témoignage de ce qui se passe dans sa tête à soi, mais en quoi précisément, et Gracq et le lieu même vous ont frotté la tête au dedans.
1ère mise en ligne et dernière modification le 2 septembre 2025
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