Le sculpteur s’appelle Alonso Berruguete, né en 1490 il a voyagé en Italie et appris dans l’atelier de Michel-Ange, qu’il accompagne au Vatican et à Florence. De retour en Espagne, des commandes de tombeaux on en a comme on en veut (on voudrait ça pour nous aussi). C’est lui qui sculpte pour la cathédrale de Tolède, vers 1550 (?), ces stalles pour les gros derrières des prélats, autour de l’inquisiteur général, dans les cérémonies catholiques. Les bois gravés obéissent à tant de conventions (par exemple ces batailles et massacres pour se saisir des forteresses dites infidèles de la région de Grenade). Mais ces messieurs posent les mains sur des accoudoirs à volutes et des arrondis beaux comme des têtes de violons. Et là, Berruguete, il laisse passer tout ce monde intérieur — qui pour moi résonne tant dans les souterrains de Rabelais —, d’un bestiaire fantastique aussi bien que de scènes prises au plus quotidien. J’en ai fait l’inventaire, juste en passant devant le plus près possible, sans lumière autre que l’obscurité du lieu, mon appareil-photo. C’est lustré, patiné, usé par trois siècles de paumes moites de ces messieurs, chuchotant pendant les offices de leurs bonnes occasions de moeurs louches et de leurs arrondissements de poches. En voici vingt-cinq, ça aurait pu être le double.