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2017.10.27 | réminiscence facebookienne et contrat d’édition

Réminiscences algorithmiques de Facebook, 27 octobre 2014 : c’est l’image ci-dessus, donc prise il y a seulement 3 ans (ça me semble une éternité, ce qui s’est passé depuis lors), prise par mon frère dans le TGV Niort Paris, lisant mes Fragments du dedans juste parus chez Grasset, que je découvre au réveil.

Pincement alors. Bon exemple de la mutation actuelle et de ses enjeux : ça avait été un beau travail, le concept et la commande, avec Jeanne Garcin alors chez Grasset – maintenant elle a trouvé une voie qui lui convient beaucoup mieux (ou voir son Instagram : depuis Baudelaire on sait bien que les livres et les chapeaux sont pareils], mais le livre est enterré chez Grasset, où je ne connais même personne, pour jusqu’à 70 ans après mon décès demain (après-demain) : alors que moi j’aurais un tel plaisir à le reprendre dans ma collec Tiers Livre, rajouter des textes, et simplement le faire vivre, ce qui n’intéresse plus éditeurs ni libraires passés les quelques semaines de circulation matérielle...

Et cette collection, depuis le départ de Jeanne, malgré les 6 ou 8 bouquins parus, dont quelques-uns très forts (Pierre Jourde), et sa maquette vraiment culottée, est arrêtée semble-t-il à jamais : à quoi bon, pour l’éditeur, maintenir les droits dans son coffre, les stocks ayant été probablement pilonnés, hors quelques exemplaires pour se prémunir d’une telle rétrocession ?

Maintenant j’ai décidé de publier moi-même mes expérimentations, mais surtout des surtout le combat collectif encore tellement embryonnaire pour limiter les contrats à 5 ou 10 ans, comme pour Balzac. Ce livre, je ne m’étais pas occupé du contrat, et même pas gardé les droits numériques, parce que c’était une commande avec un bel à-valoir (le dernier que j’aurai touché ?) et que la commande me donnait cette liberté d’ouvrir des cases intérieures que je n’avais jamais ouvertes. En tout cas je l’avais vécu comme ça : je n’écrivais pas pour moi, mais je déballais des trucs de moi grâce au fait que j’écrivais dans le cadre déterminé d’une collection, et que j’avais accepté pour cela paiement.

Depuis, tout s’est accéléré. Le durcissement de l’édition et sa normalisation galopante, on le mesure chaque fois plus à ces « rentrées littéraires » toujours plus fatiguées et dont chacun se contrefout, hors les 15 bouquins réchappés, à peine 6 semaines plus tard.

Surtout, la possibilité d’éditer (sous Word, même pas besoin d’InDesign, même si la qualité de la mise en page est déterminante), de publier (moi avec Create Space, et le livre est chez vous le surlendemain, au même prix partout au monde) et diffuser (ventes et infos depuis ce site, qu’en retour elles font vivre) laissée techniquement à l’auteur, sans ces permanentes fins de non-recevoir parce qu’on n’est pas dans la bonne logique commerciale. Peu importe pour un vieux corps couturé comme le mien, mais je le vis mal pour ces nouveaux auteurs qu’on croise dans nos masters...

Peut-être c’est bien comme ça : toi, pendant 5 mois, tu avais tout mis dans cette écriture : il y en a cette trace ici en ligne, puisque je l’avais en bonne partie composé directement sur le site. Mais là, ça t’est définitivement retiré, comme une bonne partie de ce que tu as laissé sur le chemin (je guette les livres qui ne sont plus réimprimés, pour en reprendre progressivement les droits auprès de Minuit, Verdier, etc : peut-être un jour ce sera le cas de celui-ci).

En attendant, merci Facebook, alors que – comme nous tous – je suis si indifférent à ces rappels algorithmiques, là oui pincement. Peut-être parce que ce matin, pluie dehors donc rien à faire, nuit encore, à l’écart dans ce gîte en pleine campagne, j’en aurais bien repris un fragment ou deux, de ces écritures du dedans.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 27 octobre 2017
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