À Boston, comme dans tant d’autres villes américaines (Toronto), la bibliothèque est maison ouverte. Certainement une maison des livres : ils sont sur les galeries, dans la hauteur des rayons. On peut retirer ce qu’on souhaite lire, le catalogue est géant. Mais dans les salles de lecture, la plupart de ceux qui sont assis ont apporté leur propre ordi. Les différents postes d’accès au web sont occupés, en particulier dans la grande salle qui leur est réservée. On passe derrière les gens : Facebook, Google mail, sites web non sociaux (plus rare). Les ordinateurs en bibliothèque ne mène pas au livre. En bout des grandes tables de la salle de lecture, vissés aux tables, des dictionnaires ou encyclopédies. Dans une autre imposte, cette magnifique réalisation interactive 3D qu’on nommait globe terrestre. Curieusement, dans des bâtiments où tout a été construit pour honorer le livre et l’étudier, rien n’a jamais été trouvé (ah si, en Chine, à Shenzhen) pour que le travail sur ordinateur en bibliothèque bénéficie du même effort : les sanitaires semblent mieux traités que les meubles informatiques. Pourtant, le travail que nous menons sur nos machines ou – via ces machines personnelles ou mises à disposition – sur le réseau, est la tâche collective d’aujourd’hui. Elle est ce qui nous fonde comme communauté dans notre présent et le danger de notre devenir. Qu’elle ait maison ouverte et commune, maison publique dans ce lieu ancien et prestigieux de la ville (ici avec la wifi libre partout, comptez donc dans combien de bibs en France c’est le cas), ce n’est même pas que ce soit légitime, c’est seulement un dénominateur commun, le plus petit dénominateur commun. Reste la question de la langue et du livre : un jour ce serait bien qu’on arrête de considérer avec un tel mépris et une telle méfiance ceux qui, humblement mais résolument, travaillent sur le web à ce que le web reconduise la mémoire et la langue.