< Tiers Livre, le journal images : penser les maisons

penser les maisons

Dans ce livre Proust est une fiction qui a été si important pour moi à écrire, et un voyage de nécessité d’abord intérieure, avant que la vie se refasse autrement, je m’étais arrêté sur cette phrase où Proust dit : Dostoïevski est un grand inventeur de maisons. Tout d’un coup j’avais compris quelque chose aussi à Proust, et, bien en amont, à Dickens, Balzac, Simenon et d’autres. Depuis elle m’habite en permanence, cette phrase alors que pourtant je suis sur des chemins qui n’exigent pas cette approche (pour l’instant). Dans mes archives photos, cette année 2005 je prenais beaucoup la ligne Saint-Lazare - Argenteuil, et chaque fois avec des images récurrentes, la démolition de la centrale de Gennevilliers, et ces maisons isolées avec un surplomb de fantôme inquiétant, repliées sur elles-mêmes. Celle-ci je n’y suis jamais entré, je ne sais même pas si elle existe encore. Pourtant, il me semble que si j’y entrais je reconnaîtrais tout, la disposition du couloir, celle de l’escalier, le vieillissement des peintures et des plâtres et, probablement, la disposition intérieure des appartements et leur taille ou leur non commodité. Réfléchis beaucoup à ça, aujourd’hui, pour d’autres motifs et pour une maison qui ne ressemble pas à celle-ci, sinon ce qu’une maison doit à la ville où elle naît, et certaine manière, onirique, de se séparer provisoirement de ses voisines dans la mutation forte d’un quartier. On ne pourrait écrire que de maisons : on voyage dans les âges de soi-même, on reconduit des gestes qu’on a en partie accomplis dans des maisons qui étaient de cette même famille, et qu’on ne refera probablement jamais plus pour soi-même, quel que soit le même irrépressible désir d’aller en voir d’autres, des villes, des maisons.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
1ère mise en ligne et dernière modification le 21 février 2015
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