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journal | si vous regardez bien y a pas la wifi

Commencé la série des 12 ateliers Sciences Po pour le 2ème semestre. Avais hésité à prendre une pause (c’est la 4ème saison), mais l’an passé j’avais eu la sensation de ne pas aller au bout comme j’aurais pu ou dû, trop d’incertitudes dedans, le boulot du Proust qui se faisait en même temps, et une configuration de 2 x 2 heures consécutives dans une toute petite salle du « 13 U » et une fois je suis littéralement tombé dans les pommes, c’est eux qui ont été super chouettes avec moi. Là c’est encore un autre bâtiment, au 199 St Germain, juste en face la boutique de Karl Lagerfeld qui proclame sur sa vitrine : « Only wear the latest thing » (« Porte toujours le dernier slip », mais en anglais ça fait mieux). Il y a 2 ans, je faisais travailler mon groupe au 27 St Guillaume sur la notion d’objet urbain pauvre quand je l’avais croisé, cet homme, juste là dans la rue avec ses gants noirs, les trois personnes qui le portent et sa grosse Audi chauffeur, mondes qui se superposent soudain au même endroit de la ville mais j’aimais autant retourner dans le mien. Donc, pour 12 vendredis, un cycle 2 heures matin et 2 heures après-midi qui me permet la pause bistrot avec les copains premier cercle comme Pierre Martot (il y a 8 jours), Xavier Cazin (ce vendredi) ou Dominique Pifarély (vendredi prochain) et ça me recharge les batteries. Une belle salle sur jardin, même si pas question de se lever pour lire ou bouger, et la spécificité : on est à l’« école doctorale » de Sciences Po alors zéro wifi, même si elle est partout dans les autres bâtiments de l’école (doctorant, t’as une wifi intérieure ?). Moi privilégié, j’apporte mon câble de secours et j’ai la prise Ethernet. Mais eux, les étudiants, retour au système Poucette du téléphone 3G tenu des deux mains sous la table. Ici, où même sur un guéridon à la cafet quand ils se parlent face à face ils s’envoient des trucs réseaux en même temps, je perds un côté de l’aventure : c’est une recherche décisive, qu’on puisse travailler sur le mode tous connectés, sans parler de l’interaction entre les écritures. Mais j’y gagne : longtemps que je n’avais pas bénéficié de la vieille attention du cours déconnecté. Que ça favorise l’écoute, ça me fait pas gloire de le reconnaître. J’avais hésité aussi à repiquer à cause des 2 jours Cergy qui précèdent, mais là, après les 2 premières semaines, plus d’hésitation : trop d’écart. Ici, des textes longs, chargés de rhétorique à contrer, à Cergy cette capacité à avancer dans les mots avec les mains. Mais ce qui m’a toujours aiguisé à Sciences Po, cette capacité à déplier le moindre morceau éclaté de réel, le reprendre dans ses strates économique, sociologique, politique et que la littérature elle prend rudement sens à ce jeu. Indépendamment de leur qualité propre, même si on est prem’s à leur parler de Cortazar ou de Borges, le rapport à la lecture est construit de longtemps. Et que Cergy me ramène à une interrogation neuve sur mes propositions, besoin vital de jouer ça en stéréo. Cette semaine je tente le coup de leur proposer le même exercice, à Cergy et au 199. Reste que j’aurais quand même préféré la wifi.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 3 février 2014
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