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New York, 11/13 | I’m after me

Dans la salle Hopper du Whitney, un petit cartouche cite cet échange avec un journaliste qui l’interrogeait sur son prétendu réalisme, mais illusion de réel où tout est dépouillé et reconstruit, et sur le pourquoi de ce choix d’éléments pris à la réalité urbaine ordinaire, et Hopper avait seulement répondu : I’m after me. Je ne cherche pas ici de modèle, d’ailleurs pour ce qui est de l’invention web rapportée à la littérature, c’est plutôt eux qui nous accueillent et nous sollicitent. Au bout d’un certain nombre de séjours, c’est plus comme se réinstaller plutôt que visiter. On ne cherche plus à apprendre volontairement la ville, on la laisse vous immerger : bien sûr en 2 semaines des tas d’endroits qu’on découvre, et tant aussi où on revient seulement par plaisir. En fait, aimer New York seulement pour cette sorte de circulation rapide permanente, qu’on ne vous demande rien, et que la diversité des visages tendrait à prouver qu’on est bien nombreux – et ceux-mêmes qui vivent ici – à participer de cette non-appartenance, ville qui tient à distance les spécificités trop mesquines du monde. Alors oui, forcément on se confronte à des traces neuves : ceux qui ont dessiné et construit ces entrepôts, ces usines, ces gratte-ciels, cette façon de se lancer à l’assaut via le verbe entreprendre, tout petit détail d’une exigence de niche, ou nom devenu aussi consensuel que Frigidaire, là c’est vraiment une délivrance. Ce n’est pas qu’on ait à réfléchir autrement son mode d’être au monde, ou son action au monde, c’est qu’on se précise dans son rapport à soi-même. Mais pour ça il faut et le brassement de la ville et ses visages, et les bâtiments et les usines, et la totalité multiple du bruit, et l’extrême fatigue même où tout cela vous porte, et puis il faut aussi eux, qui ont peint, photographié, dessiné, architecté, écrit. I’m after me : au bout, rien que de l’ouvert.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 20 mai 2013
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