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journal | énigme de la pendule

une autre date au hasard :
2019.07.30 | business pole danger de mort

Passe ton chemin, lecteur fidèle, là ça va vraiment pas être intéressant pour toi. Je me croyais indifférent aux questions de pendules. J’ai l’heure dans l’iPhone, l’heure en haut de l’ordi, et dans la vie courante je n’ai jamais porté de montre depuis avoir cassé celle qu’on m’avait offerte en sixième. J’ai fait souvent l’expérience qu’à demander l’heure à quelqu’un qui vient de regarder sa montre, il est obligé de la regarder une deuxième fois. Et les artistes en conversation, qui tapotent des doigts sur la table s’ils disent je t’envoie un mail, se portent l’index et le pouce à l’oreille s’ils disent je l’ai appelé, font toujours le geste de lever le poignet gauche et retrousser le poignet de la main droite s’il s’agit du temps. À ne jamais porter de montre, la conception interne de l’heure reste vigilante. Donc j’étais toujours resté indifférent à la présence d’une pendule sur le mur de ma petite salle de SciencesPo, comme j’en avais eu les années précédentes. Sauf que la semaine dernière, m’embarquant avec eux dans Kafka, je me réveille une heure plus tard et je panique : la séance dure 2 heures, je parle 50 minutes ils écrivent 40 minutes, on lit 20 minutes. En gros. Mais là, whouf, débordement complet. Parce que, quand je leur parle, l’ordi s’est mis en veille et l’iPhone est dans son étui. N’ayant pas remarqué que pas d’heure, total débord dans l’organisation de parole. Pour le 2ème groupe, je garderai l’affichage ordi. Cette semaine, la pendule est revenue. Un des étudiants a suggéré que c’était pour le changement d’heure : ça ressemblerait bien à l’établissement – tu vois ça change d’heure, on ramasse toutes les pendules, on les avance d’une heure, et on vient les remettre dans les salles. C’est une hypothèse séduisante, mais pas sûr qu’on puisse lui donner un fondement réel. Là, hier, sur Artaud, je pendulais tranquille, finis à la minute près mon condensé, et tout va bien. Reste l’énigme de l’absence de la pendule. Et pour moi la découverte que, quel que soit, quand on se lance comme ça en cours, la préparation intérieure, les étapes du speech, les petites ressauts qu’on ménage pour cerner de plus en plus près, mais en tendant le ressort, l’endroit où on souhaite qu’ils écrivent, le timing du discours n’était pas assorti de son équivalent temporel. C’est tout. Mais je l’ai photographiée, hier, la pendule voyageuse, des fois qu’on vienne me dire que ce n’est pas vrai.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 12 avril 2013
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