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journal | dormir avec les aviateurs

une autre date au hasard :
2014.12.07 | Martigues, nuit, territoires

Il est marrant, le motel où nous dormons à Fos-sur-Mer, avec l’équipe du film. La place ne lui manque pas, pour moins de 50€ les chambres sont grandes et fonctionnelles, pas d’affèterie, du coup j’oublie un peu mes systématiques insomnies des lieux de transit. Quand j’étais venu la première fois, j’avais bien constaté que ce n’était pas un lieu très touristique – l’odeur des raffineries toute proche est prégnante –, et que dès le matin 7 heures s’échappait une myriade de fourgonnettes d’entreprises spécialisées. Mais hier soir, de curieux vigiles en uniforme léopard – je n’avais pas poussé le raisonnement. En fait non, des clients, tout simplement. Et ce matin, prenant rapidement un café avant de partir pour la grande aciérie, une pleine tablée de gas avec les fanions et macarons US Air Force. Le motel d’ailleurs affiche complet. Dans la matinée on les apercevra, les avions gros porteurs, prendre leur lourd envol. La base d’Istres est à 10 kilomètres, et les ressources en kérosène, la piste surdimensionnée d’Istres sont mises à disposition des Américains pour leurs opérations de renseignement et soutien logistique au Mali. Je suppose aussi que les AWACS et les Boeing ravitailleurs français partent d’ici et reviennent une fois leur mission terminée, le réservoir des Rafale basés en Afrique rempli. Ça ne me regarde pas, j’aime de moins en moins le monde réel, m’en détache. Mais là, pas moyen : tu te retrouves sur le lieu même de la guerre, et dès le petit-dej encore. Il n’y a pas un ailleurs de la guerre, elle s’installe depuis là-même où tu poses ton propre sac avec ton propre ordi, mais pas la casquette. À Times Square, en novembre, j’étais entré dans un AppleBee populaire, et pas très loin une grande tablée de Marines fêtait leur retour au pays, non seulement ça ne m’avait pas gêné, mais bien curieux de regarder les visages et les nuques, ou même celui-ci, un des plus grands, comment tenir sa fourchette était un exercice difficile. Mais là, dans le petit motel de Fos, le déséquilibre soudain affecte la géographie du monde.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
1ère mise en ligne et dernière modification le 23 janvier 2013
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