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qui lisent la presse dans les supermarchés

une autre date au hasard :
2020.12.08 | vers Tartifume

Dans les gares, c’est tout replié en quatre, on ne se rend pas compte qu’il y en a tant, des journaux et magazines. Dans les salles d’attente des dentistes et autres on peut aussi les lire gratuitement, mais c’est choix limité et souvent du périmé. Dans le supermarché, ça s’étale en longueur et on peut lire tout ce qu’on veut sans payer. Seulement il faut rester debout. Et on n’aura cueilli de lecture que ce qu’on aura pu en retenir. Il y a longtemps qu’un tel rayon existe dans le fond du Carrefour, mais ils ont pris désormais un gros virage : comme avaler dans leur espace même, celui du supermarché, toutes les boutiques ringardes de la galerie commerciale, celle-ci accueillant plutôt, du coup, banques ou bouffe. Étonnez-vous que le centre-ville crève toujours plus vite. Donc, ce qu’on propose c’est un peu d’attente à monsieur pendant que madame se fait la corvée des courses de rentrée dans le rayon papèterie ? Il ne faut rien simplifier. Peut-être celui-ci s’intéresse aux motos, tel autre à la pêche à la ligne, et que ça permet de jeter un oeil aux magazines, puisqu’ils appartiennent tous à un nombre restreint de groupes qui atomise leur travail de niche. Autrefois, avant le virage de masse, j’aurais difficilement manqué le magazine sur les Mac (avec le CD incluant des applications gratuites). Et comme tout ça se retire de vous, au point qu’il faut le hasard de chercher des ampoules dans un supermarché pour le redécouvrir. Ah si, au Québec j’avais acheté un magazine au moment de l’ouverture de la chasse, et je crois, l’an passé, un magazine voué uniquement aux louanges de la police, vue de l’intérieur. Parfois je regarde ceux qui se consacrent à la guitare basse. Mais il y a longtemps que toute mon information je la prends sur Internet. Peut-être qu’Internet ça ressemble beaucoup à ça : on est debout devant une immense surface bien plus grande que soi, on sait qu’on est des tas à être debout comme ça, et que chacun vient y prendre quelque chose de différent, qui ne le concerne que lui seul, où il y aura le même effort à faire pour passer au delà du pré-mâché langue des médias. Aujourd’hui c’était une journée grise et bancale, j’ai peut-être projeté ça sur cette image du monde : grand prisme où tout se cause pareil. J’étais un peu pressé à cause de mes ampoules, mais ce qui me surprenait encore plus, finalement, c’est ça : la mort de ma propre curiosité, l’impression qu’il fallait enlever toutes ces feuilles pour voir mieux.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 21 août 2012
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