– Un verbe. Il en faudrait un, comme une pierre petite, une flaque de bleu qui attire le regard. La pièce du puzzle.
– Gravir, voici l’exemple, un beau verbe simple, non dénué de majesté.
– Jamais il n’aurait été prononcé chez nous.
– Un mot de loin, tu le connais dès l’enfance, tu l’as lu, tu l’écrirais maintenant avec un léger retrait, comme dit par un autre, avec des gants, des guillemets.
– Il ne viendrait pas tout seul aux abords de la pensée.
– C’est le vague monter qui vient au lèvres, et intransitivement : tu fais quoi ? je monte. – Il faudrait un verbe simple.
– Lire, danser, songer, cela ne vaut rien, on n’approche de rien avec cela. Trop commun, trop vaste.
– Les verbes, ce n’est pas ton fort. Il suffit de te lâcher la bride et tu les délaisses pour des phrases brèves. Des noms, des adjectifs. Des petits pas vite lassants.
– Se replier, se recroqueviller : trop long, un palais. Il faudrait une syllabe et demie, un ïambe ou un trochée.
– Se cacher, c’est l’animal traqué.
– Se nicher, c’est aller trop haut.
– Se lover, laisse penser que l’amour est là.
– Fais ton pédant. Sors là ta quignardise.
– In angulo cum libro. J’ai partout cherché le repos, et ne l’ai trouvé que dans un recoin, avec un livre.
– Origine hasardeuse.
– Ce serait ça, oui se mettre dans l’angle, et même si l’angle est droit, même si les murs ont des arêtes, le coin est doux où l’on se réfugie sans se cacher, sans se dissimuler. On est protégé, on est oublié, et d’abord du temps.
– Se mettre à l’angle. Se mettre dans l’angle. Angler.
– Mais angler, il est chez Littré. Donner la forme d’un angle.
– Il faudrait aller au pronominal, s’angler ce serait le mot, oui mais on pense à la sangle qui ceint et enserre.
– Alors ?
S’angler, quand on le lit on ne voit pas la sangle, c’est peut-être un verbe à lire pas à dire.Très beau texte qui joue brillamment avec la proposition.
Merci beaucoup!