21/02/2023
#5 NB, neuf
« Vous êtes fatiguées.. ? »
Je fais des siestes. Parfois matin et après-midi. Non, ça ne m’empêche pas de dormir le soir, au contraire. En fait, je ne dors pas vraiment. Je rêve. Je parcours des milliers de milliers de distances sous une seule paupière. J’adore ça. Mais là, je sens que je peux faire une belle croix dessus. Pendant au moins un voyage. Pas de sieste, pas d’images autres que des images « réelles », différentes mais pourtant pas étrangères. Je suis venue pour ça après tout. Une fois débarassées de la valise et autres précautions de voyage, nous voilà ressorties toutes les trois pour découvrir la ville.
L’appartement
Je suis une chanceuse. Vrai-ment. Par-fois, je m’en rends compte. Là, je m’en suis rendue compte tout de suite. Visiter un pays inconnu, mais en sachant qu’on reviendra chaque soir dans un appartement aussi…synchronique. Formicablement appareillé. Et. Un retour en enfance, en enFrance, loin d’elle, comme nettoyée des sales ombres, mais avec d’autres, sentir les ombres, accueillantes, non pas. Plus que ça. Dans l’écho lointain. Une vibration qui s’est débarrassée des poids trop lourds pour mourir, qui s’est élevée pour être là. On est bien là.
Le 33
L’arrêt de bus est juste en bas de l’immeuble, à peine 50 mètres je dirais. Andreea a l’air contente que nous ne « soyons pas fatiguées ». Je dormirai plus tard. A moins que. Je ne sois en train de. Parce que je me sens un peu comme dans une de ces siestes. Tranquille. J’observe. J’ai mis longtemps avant de réussir à ne pas tenter d’intervenir dans mes rêves. Juste profiter. Et encore, je n’y arrive pas toujours, tout au moins je n’essaye plus de défier les morales d’ailleurs pour voir si.
C’est ici.
Elle a sauté hors du bus, j’ai cru qu’on n’allait pas réussir à la suivre. Le centre-ville. Ou un des. Une statue que Gusti me décortiquera plus tard, un morceau de mur d’enceinte de la ville médiévale, des édifices aux couleurs pastels ponctuées de blocs à esthétique efficiente qui tentent de se synchroniser picturalement sans y parvenir. Les églises, les cathédrales, les temples. Je ne suis pas sûre de pouvoir aujourd’hui en faire le décompte exact.
L’UBB
Et dire que maintenant je peux écrire UBB et revenir à Université Babeș-Bolyai, magie de l’acronymie. Avant de la visiter avec le corps, il me manquait toujours le nom du deuxième scientifique, pourtant le mathématicien. La hauteur, les gars, la hauteur. Je n’ai pas été dans les prestigieuses facultés de France, ni Montpellier, ni Paris XWI. J’ai été dans des facs à pré-fabriqués. Attention, ça m’allait bien. Mais là, ici, la hauteur, les gars, la hauteur.
La Someș
Rahhhh…les enfants gâtés. Quand on se lève tous les matins pour aller fumer sa clope en face de la Loire. « C’est une rivière » avait-elle précisé. Pourquoi y ai-je entendu « formidable étendue d’eau foisonnante, forte et vigoureuse comme seule l’eau peut l’être… », parce que je suis aussi une enfant gâtée.
Catedrala Mitropolitană Adormirea Maicii Domnului
Réplique de Sainte Sophie, en plus petit parait-il. Je n’ai jamais visité Sainte Sophie. Ce qui fait que j’ai devant mes Zyeux une cathédrale orthodoxe de style byzantin. Avec une coupole. Petite, mais présente. Claire, très claire. Pourtant, nous ne la visiterons que le dernier jour. Intuition. Elle est aussi sombre à l’intérieur qu’elle est claire à l’extérieur. Oppression. Mes Zyeux se sont levés au plafond et vite rebaissés.
Un temple
Protestant, bien sûr. Il faudra vrai-ment que je fasse une carte sérieuse sur le thème. D’autant que Gusti me montrera aussi, plus intéressamment, la statue de Ferenz David, les Unitariens. J’ai depuis retrouvé d’où je connaissais ces mots. « 4 présidents des Etats-Unis étaient unitariens ! », je n’ai pas retrouvé les quatre Gusti, mais un certain Ralph Waldo Emerson apparemment pour sûr. Encore un caillou, un peu plus gros que les Zautres j’imagine.
Biserica Sfântul Mihail
Il faudra que je perce le mystère des cierges. Pourquoi en avons-nous dans toutes les églises de France et si peu en Roumanie, voire (ou surtout) en Transylvanie ? De plus, si vous voulez allumer ceux que vous trouvez, c’est dehors. Et. Surtout avec un emplacement pour les vivants et un emplacement pour les morts. Ca semble si logique.
11/02/2023
#4 les astronautes de la cosmoroute
Les églises.
Avant de partir, quand eux étaient venus chez nous, au centre de la France, je m’étais bien posé des questions, eux aussi. Mais le sujet étant pour le moins une suite de simples équations imbriquées de telle façon qu’aucun de nous n’en voyaient tous les termes, finalement je n’avais pas osé les poser. Eux en avaient osé une : « êtes-vous croyants extrêmes ? », à peu près de ma mémoire à trous. « Noooon !!! » …on en avait ri. Mais il n’est au moins pas faux que poser ces questions n’est pas si facile qu’il n’y parait.
En partant, je me renseignais comme je pouvais, avec les quelques informations réelles ou déduites. Orthodoxe ? Chrétien ? Protestant ?
En arrivant, les questions étaient toujours si peu formulées sous mon crâne, que j’attendais encore un ou deux jours avant d’avancer quelque chose comme : « alors, du coup, avec Blanche, on se demandait…de quelle église vous êtes ? On a un peu de mal à s’y retrouver j’avoue… ». On a ri, encore.
Tous ces rires, simples, naturels, sur les questions les plus mal posées, étaient à chaque fois un signe d’écoute, ou de tentative en tout cas, de l’Autre. C’est, je le sens aujourd’hui, ce qui caractérise le plus notre rencontre. Reconnaitre l’Autre, des morceaux de soi dedans, et pourtant ces apparentes différences qui font le curiosité, le sel, qui font que.
« Moi j’ai été élevée dans la religion orthodoxe, mais je m’en suis coupé aujourd’hui et Gusti est de la tradition grecque catholique. »
« Ah !!! j’ai gagné !!! », quoi, je ne le savais pas…mais j’avais compris qu’il était de tradition grecque catholique avant qu’elle ne le dise ! comment ? je ne sais pas.
C’est quand on s’est arrêté devant la statue de Ferenz David que Gusti m’a perdu et que j’ai entendu quelque chose au loin, au très loin. J’avais déjà lu ce nom. Et l’unitarisme…bien sûr, je l’ai déjà croisé. Mais où, quand, comment…dans mes études, c’est sûr. Alors le lien entre l’unitarisme roumain et la civi GB ou US… ? ca devra attendre le lendemain matin. Je n’effectue des recherches que très tôt le matin. Sinon, ça ne sert à rien, je ne retiens rien.
En attendant, à chaque fois qu’on passait à côté d’une église orthodoxe, la voix de Gusti résonnait dans la voiture… « Orthodoxe !!! ». Et le ton n’était pas des plus amicaux…il me faudra vraiment faire plus de recherches.
05/02/2023
(Ajout du 07/02/2023) De S…
La neige, le musée B…, l’hôtel I… M…, la P… M…, B…, A…, G…, la neige. Il m’aura fallu faire tous ces kilomètres/celsius pour enfin « voir » le manteau de neige, cette étendue apaisante et lumineuse recouvrir de douceur la totalité de l’étendue elle-même et de tout ce qui s’y trouve.
De C…
Formicablement reçues, toujours à l’est, en neige attendue, espérée, étendue. Bună ziua. Ici, les corbals sont nombreux, beaux et forts dans leur présence. Magyars et Sicules, il y a de la place pour la théorisation.
De T…
Jouer au ping-pong au fonds d’une ancienne mine de sel. Bonifier. Rendre bon. A qui ? J’ai dû perdre au moins un kilo, mais je le retrouverai vite. Ce que j’ai gagné en perdant restera gravé au fonds de mes cristallins, même celui qui.
De R…
Ne ratez pas les tulipes…Rimetea (până în anii ’60 Trascău, în maghiară Torockó, în germană Eisenmarkt / Eisenburg / Traschen) este satul de reședință al comunei cu același nume din județul Alba, Transilvania, România. Certes, certes. Judet, j’avance.
De M…
L’impossible retour. Je savais déjà que les Histoires s’écrivaient aux Zencres perspectivistes. Attention, attention. Aujourd’hui : dépasser l’orgueil et la vanité pour trouver l’altruisme. Il suffit de venir ici pour le comprendre. L’autre, c’est moi.
De M… B…
Des cierges pour les vivants et pour les morts. Oui. Mais pas au même endroit. Étonnant. Que ça ne m’étonne pas. C’est tellement…logique. Lire les murs et les plafonds quand on ne connaît pas la langue du prêtre, quelle que soit l’église finalement.
31/01/2023
Cluj
Premier matin à Cluj, réveil à 4h et quelques brouettilles.
Il est 5h08. Nous sommes arrivées hier, vers 12h00. Le temps de passer la douane roumaine. Andreea nous attendait. Qu’il m’est rare d’être à ce point contente de revoir quelqu’un. Cette sensation d’être en confiance avec un autre être humain parce que cette personne vous comprend. Au fonds de votre être, non pas par-delà la langue mais à travers les langues. Andreea parle anglais et français couramment. J’imagine que si je faisais l’effort d’apprendre le roumain, et je le ferai, nous aurions un troisième horizon pour nous rencontrer sans nous rater. Cette sensation que, quels que soient l’endroit et la langue, cet autre en face de moi est « compatible ». Et tout pareil avec Gusti et Blanche. Tous les quatre, on se balade comme si nous nous étions toujours connus. Et que nous soyons sûrs de toujours nous connaître, quelles que soient les circonstances.
L’aéroport de Cluj n’est pas pire ou mieux que celui de Southampton ou Rennes. Ce sont ces petits aéroports qui permettent le voyage en avion comme avant eux les voies romaines. Innovations qu’on ne regarde plus comme telles depuis qu’elles ont été pensées, à peine des historiens, plus tard, feront-ils quelques articles sur la mobilité culturelle facilitée entre les peuples, cela dépendra des perspectives et des en-je du moment.
Mais l’effet de l’uniforme de l’autorité, lui, est le même, pour moi, quelle que soit sa couleur. J’ai du mal à l’expliquer, j’ai une espèce d’admiration teintée d’une forme d’envie de leur expliquer que c’est une étape nécessaire sur un chemin merveilleux, mais que ce n’est que le début de l’histoire, pour ne pas dire le prologue. Qu’il faut peut être plusieurs vies à passer dans cette illusion réconfortante, et dans l’enchaînement de ses vies, il faudra qu’ils se pardonnent à eux-mêmes de n’être, finalement, que des Zhumains. Que ce sera là, à l’instant même où ils l’accepteront, chaque un, qu’ils perdront toute illusion de contrôle, que, paradoxalement, l’aventure commencera. Sur cette même chaise.
30 janvier 2023
A’
Matriochkas
Je m’en suis rendue compte il y a 10 jours. A dix ans d’intervalle entre les deux voyages, l’île d’oléron et Cluj. Au mieux 2370 kilomètres entre les deux me dit GoogleMap :
J’ai envie d’écrire tout ce que je vais voir. Mais si je passe mon temps à écrire, que verrais-je ? Pour l’heure, le train pour Paris part à 11h44 d’Onzain vers Paris-Austerlitz. Puis nous prendrons la navette pour l’aéroport de Beauvais. Nous avons choisi de passer la nuit près de l’aéroport, après tout c’est pour ça qu’ils ont en construit à proximité. Nous avons choisi le plus proche, une nuit, puis l’avion direct pour Cluj. Là-bas Andreea et Augustin nous attendent. Ils nous prêtent l’appartement de la mère d’Andreea. Ni Blanche ni moi ne connaissons rien à la Roumanie, mis à part quelques documentaires artesiens sur l’époque Ceaușescu. Et cet ancien casque bleu anglais, croisé à Paris, qui était tombé amoureux de moi sans que je n’aie jamais vraiment su pourquoi, qui me vantait la Roumanie comme le plus beau pays qu’il ait jamais vu. Il voulait déjà m’y emmener. J’irai donc sans lui. Mais je sais qu’il est de ceux qui le comprennent.
Teodora. Non, je ne l’ai pas oublié. Mais j’ai bêtement eu peur de la contacter. Il aura fallu que Blanche me demande si je l’avais fait pour le faire. Un jour, peut être, je prendrai conscience de. Je lui ai dit que nous avions prévu deux jours à Sibiu. C’est sa ville natale!!! Je ne m’en souvenais pas, elle me l’a sûrement dit, mais je ne m’en souvenais pas. Dès qu’on a vu des images de la place de l’hôtel de ville sur l’écran, on a su qu’on allait y aller.
L’air de rien, je ne suis jamais allé à Beauvais non plus. Il parait que c’est déjà la Picardie. Pardon, en région « Hauts-de-France » …quand j’étais plus jeune et que je me baladais beaucoup en France, sans trouver vraiment d’endroit pour vivre, je m’amusais à dire « Lille ? j’irai pour y mourir. Que pourrais-je bien faire d’autre à Lille ? ». Je n’aurais peut-être pas du…
Blanche y est déjà allé, elle a des amis là-bas. Elle a des amis un peu partout, j’ai souvent du mal à suivre. Quand elle en cite un, j’essaye de mettre un visage dessus, j’en ai vu quelques-uns, mais j’ai du mal. Mais Andreea et Augustin sont « nos » amis. A nous deux. Et probablement qu’après ce séjour, Teodora aussi. En dix ans, j’ai quand même réussi à me faire trois amis. Probablement grâce à Blanche.
La valise est prête, Agatha a été mise en pension chez son frère et sa sœur, il n’y a plus qu’à. Il est 9h46, il est temps d’aller prendre une douche pour commencer ce périple. Pourquoi me demander où j’en étais exactement 10 ans auparavant ? Avais-je préparé une valise ? Où avais-je laissé Doudou ? Celle-là est facile, avec Aline. Il n’y avait plus qu’à. Déjà.
Alors pourquoi et/ou comment toujours ce sentiment de me foirer à chaque fois ? Sauf que cette fois, je ne suis pas seule. Vais-je réussir à dépasser ce futain d’orgueil et cette futain de vanité une seule fois dans cette vie ? Juste une fois. Pour voir comment ça fait.
À croire que toutes ces questions, doutes et peurs sont indispensables et participeront ensuite à faire les souvenirs plus beaux…
A croire.
Ou pas.
Je n’aime pas ce verbe, mais là, je dois bien avouer qu’il est très bien placé.
Merci.