de ma vallée, à des périodes différentes, selon les jours, tendres ou acides, je voyais les sentiers pentus des Andes dans le brouillard et la lumière rare souvent diffractée à
travers les fenêtres du monastère où trônait une cheminée d’hypnose, je voyais la montagne claire Sainte Victoire enroulant autour de mon cou et, comme l’avait dit Robert Walser au sujet des pics enneigés des Alpes, son long boa de plumes blanches, je voyais l’acharnement solitaire pédestre et pictural d’un artiste qui avait longtemps regardé parcouru la montagne et l’avait peinte 87 fois dans son immobilité calcaire ses couleurs telluriques de basalte, je voyais Marseille bombardée ressuscitée derrière ma longue vue perchée en haut des marches de la petite chapelle du temple grec de l’hôpital Caroline sur une île de l’archipel du Frioul traversé par les vents qui auraient si bien su repousser les miasmes des anciens pestiférés glissant parfois sur le sol lavé en permanence par l’eau de mer tout près du puits où nous avions trouvé, joyeux, une bombe, je voyais les petits villages lombards de Celana, Sedrina ou Trescore aux profils pierreux et austères dont les églises, parfois habitées de lumineux trésors comme ces tableaux d’autels ou vastes pans de murs supports illustrés de la vie des saints par des peintres illustres tel que Lorenzo Lotto, exilé, loin de Venise ricanant bêtement sous ses toiles, avaient calmé des égarements et des peurs, je voyais les portes toscanes phénoménales de Volterra dans leur force provenant du sol étrusque qu’avait si bien décrit D.H Lawrence alors bien loin du Nouveau Mexique et la douceur de la campagne alentours quand on descend vers la mer et les carrières résonnantes comme les grottes, je voyais le mont Latmos habité par les dieux dont l’un deux en fait une déesse avait subjugué Endymion le berger aussitôt frappé d’un sommeil vertigineux alors qu’il ne savait pas que ce sommeil aurait été pour toujours rempli de voix de fièvres et d’images….Je voyais les clairières en bas du mont Latmos où Endymion aurait été aussi bien transformé en cerf, en chair d’animal ensanglanté mangé par des chiens ( à moins que ce ne fût Actéon mais si tous les destins dans leur variété se ressemblaient) pour avoir de trop près regardé cette même déesse de la chasse ou la lune ? ailleurs des marins ou des poètes auraient succombé pour avoir de trop près chassé la baleine ou regardé l’albatros, je voyais le mont Etna aérien liquide où un philosophe grec aurait choisi de finir ses jours de résoudre dans la matière terreuse et la lave incandescente son union avec les dieux et la nature, l’un dans le multiple ou son inverse rond tel une sphère, le feu tantôt jeune fille inoffensive gracile élancée faiblement souriante, fleur, tantôt bête violente sauvage aux yeux obliques de louve ou de madone de Sienne,… je voyais aussi le ciel étoilé au-dessus du mont O. ou Fuji ou Sainte Baume, au-dessus des déserts californiens ou de Mongolie, des fleuves Adda et Mississipi, des steppes d’Europe de l’est, un ciel baigné d’une clarté laiteuse, une eau noire étrangement lumineuse ponctuée de chars de chevaux de bateaux et d’armes de figures palpitantes silencieuses semblables à de douces et grasses nourritures aussi des espérances amères
Amères ou douces pourtant les espérances – magnifique… (merci)
Merci beaucoup Piero:)
Merci pour ton texte. Il m’a fait partir, revenir., touché terre et ciel…
C’est chouette:)