pendant un long moment j’avais regardé cet hélicoptère de tourisme qui s’était posé sur l’ile en ayant auparavant formé de larges cercles concentriques sur l’eau dans laquelle se miroitait ou simplement se dessinait une blancheur froissée d’hélices brassant de l’écume, dans laquelle déflagrait aussi une ancienne blancheur spectrale de cendres
ses cendres qui avaient virevolté
tandis qu’au loin la mer et le ciel se confondaient s’étaient aplatis sur une même ligne épaisse et tremblante
soit un lieu ouvert/infini où une parole souterraine attendait sans doute d’advenir/de rejoindre, aurait pu habiter un espace/temps nouveau ou bien se serait tue (comme dans la vie réelle) dans un bruit frêle de fantôme
…
(je vois — comme dans ce film japonais au titre oublié — tous les lieux s’animer, les gens évoluer sous moi, moi dont le corps est absent qui flotte maintenant au-dessus d’eux dans un état de légèreté et de grâce sans vertige)
Fellini se prépare à tourner dans les studios de cinecittà où son cercueil dans une chapelle ardente sera entreposé dans une sorte de fête sans interruption, sans fin véritable, des studios hantés où flotte telle un spectre : une magie ou une hantise de cinéma
(sur une petite place le cirque se réveille et le spectacle commence je te parle avec la voix de Zampanò (La Strada) qui a beaucoup voyagé, que j’ai connu sous les traits d’un marin grec de passage à Marseille ou dans un monastère des Andes au Venezuela alors qu’il était en train de fumer le cigare en buvant du whisky en état de quasi hypnose près d’une cheminée pour célébrer je crois ses anciennes aventures de briseur de chaines en Europe un autre continent où ces chaines aussi dures à briser l’ont rendu prisonnier même sous l’effort parfois récompensé, l’amplitude de son torse, de sa ténacité)
pourquoi dans la vie réelle E. reste souvent dans le silence ? Pourquoi se réfugie-t-elle dans la fiction ou le paysage ? Pourquoi cet énième film sur le cinéaste italien tel un remake sans fin ?
la plateforme numérique regroupe divers articles d’après critiques conversations témoignages, les miens mais aussi bien d’autres où sans doute ce nouvel entretien avec E. sur son dernier film sera différent de tous ceux d’avant Je chercherai néanmoins à distinguer ces choses qui seront revenues par la fenêtre soit toutes ces images-constellations, obstinées, combattantes, le retrouvé dans un inconnu, une sorte d’étoilement une fine toile d’araignée, de tissu innervé, un côtoiement de présences de sous-sols de fantômes