J’avais déjà pris de nombreux trains de nuits
et voilà Madrid,
ville aux couleurs pâles et aux peintres violents.
Les noms de l’Ibérie, bien avant le voyage, m’y avaient éveillée : Saragosse et Todèle, Pampelune la douce, comme sable sous les pieds de qui va goûter la pulpe des agrumes, Grenade l’Andalouse et bien sûr Salamanque qui s’est longtemps confondue avec les marchés soyeux de l’Orient.
Et quand, en grandissant, j’ai connu Samarcande et ses floraisons bleues, la route d’Aï Khanoum me resta bloquée par des mines, des camions, des barbes patibulaires. De l’Amou Darya je ne sais que le nom.
Combien de fleuves, ailleurs, m’ont emportée encore sur le sillage des atlas, Euphrate, Gange, Méandre, Pactole.
C’est du Tage à Tolède que je me souviens le mieux.
Je ne veux pas parler de la Seine, car la Seine a changé trop de fois sous mes yeux pour exister vraiment, et ses reflets d’argent, ses remous limoneux, sont de la même eau que les sanglots dont s’abreuvent les roseaux du Rio de la Plata.
Chaque année, le même train n’imagine même pas qu’on puisse traverser l’Atlantique. Il passe le long de l’Elorn jusqu’à son terminus même. Il n’a rien en commun avec le bateau qui pousse jusqu’aux terres funèbres d’au-delà des terres, Molène qui rime avec peine, Ouessant avec sang, et Sein dont on dit, qui la voit, voit sa fin, dans l’horizon des vagues, hérissé de récifs, propice aux récits.
oh ce voyage de terre andalouse en pen ar bed, merci !!
Merci Gwenn, c’est un grand écart que j’ai écrit au fil du souvenir en mélangeant aux vrais voyages l’imaginaire qu’ils véhiculent. Il me reste à voyager dans vos textes, je n’ai eu l’énergie d’en lire qu’un seul hier soir.
J’aime ce mélange justement qui nous balance d’un bord sur l’autre…
et c’est très beau
on garde longtemps l’idée de peintres violents et l’odeur des agrumes
d’ailleurs je vais le lire une deuxième fois…