En prenant par les terres le chemin aveugle couvert d’ajoncs trouver cette chapelle (et on ne peut pas entrer)
Là-haut toucher la croix, il y a des pylônes électriques, ce sont les derniers ( entre les pierres les bouses desséchées des vaches sauvages)
Après le tournant c’est la décharge le bruit des machines d’épuration est terrible et ça pue (derrière les grilles des mouettes déchirent un cadavre de chien )
Un km avant l’enseigne des Mousquetaires c’est l’ancien dépôt en jachère on voit encore des épaves de caravanes et des arbustes ont poussé ( l’enfant qui se balance sur un pneu porte une robe rouge)
En contre-bas c’est la promenade; sur la plage le vent soulève la toile des transats ( il n’y a pas d’anglais )
Ce grand bateau jaune qui avance immobile celui-là ou un autre plus ou moins en hiver (et c’est possible qu’il pleuve)
La gare vide et le nom imprononçable sur la pancarte ( ton dos voûté qu’on ne trouvera sur aucune carte)
La couleur rose des murs où poussent des roses trémières le rose plus ou moins rose des murs (par arrêté de la Mairie tous les volets devront être verts)
La ville par la fenêtre grand-ouverte d’un taxi et c’est un noir brillant qui te remonte à la tête
La chapelle on la trouve sur les cartes: choisir de rejoindre la tour par les terres éviter le chemin des douaniers, à mi course faire halte au soleil s'adosser au mur de la chapelle, c'est au printemps et il y a plein d'abeilles; derrière la maison ça grimpe en lacets, tu peux passer par le cimetière ou choisir la route, tu peux aussi prendre à droite puis sur ta gauche ce chemin qui serpente entre des murets, après l'éboulis il faut monter tout droit; si tu veux éviter la ville et voir l'âne tu n'y échapperas pas moi j'y passe une fois sur deux j'accélère sur ma bicyclette et je retiens ma respiration ; l'endroit je m'en souviens très bien — où était-ce déjà?— javais pris des photographies pour Carmen après on avait acheté du fromage et du vin dans cette enseigne; louer la maison l'hiver c'est moins cher, il y a le vent mais la terrasse est abritée, il y était venu pour un film, il m'avait emmenée et j'avais regardé le vent déplacer les choses; des rouges,des jaunes: tout un trafic,en une nuit tu es de l'autre côté; le nom tout le monde le connait (ou presque) sous cette orthographe dans sa langue on le dirait caché; la venelle je te la montrerais quand tu viendras, ne viens pas en hiver; les images des films où bien celles des livres... toutes qui devançaient la ville
Merci Nathalie Holt. « La ville par la fenêtre grand-ouverte d’un taxi« me transporte à l’instant sur la plate-forme d’un autobus où je croise Raymond Queneau. Pourquoi ? Je ne sais pas. Mais le fait est là : plaisir d’une non chalance. Magie de vos mots. Merci.
oui Ugo et toutes les petites notations avant dans le trajet qui sonnent vrai, qui donnent l’impression de ne pas chercher à forcer une réaction, et sont si parfaites
ce que c’est beau
Merci pour ce #5 où les images (entre parenthèses ou non) font naître en moi des lieux et des moments qui me touchent.
C’est beau, mais Piero l’a déjà écrit. Passée et pas déçue. Ces deux textes offrent beaucoup. Je comprends ce qui était espéré avec les deux voyages. Tu sais si bien doser pour que tout s’éveille. Merci, Nathalie.