Descendre train. Valise tire. Quai. Chercher direction sortie. Sentir température, froid. Si c’est la bonne gare. On sait jamais, ça m’est déjà arrivé. Et si j’avais oublié quelque chose de ma place du train. M’est déjà arrivé aussi. Contrôler, vite, il est encore temps. Portable, ok ; clefs, ok ; fric, papiers, ok ; billets, ok. Ouf. Avance. Vite chercher correspondance. Descendre vers HALL CENTRAL. Dépasser les gens lents, sentir la bonne ligne des bons humains qui avancent et pas ces pénibles immobiles qui cherchent la Lune. Panneau d’affichage des départs, stop je jette un œil. Oh ma correspondance est sur le même quai, stop stop. Chance. Voie F vers voie H. Alors je suis arrivé. Un instant me sens stupide d’avoir cavalé. Heureusement ce panneau départ providentiel sinon j’allais à l’hall central. Regarde derrière, devant, à gauche à droite, me détend, m’avachit de 3 cm. Tout à l’air correct. Mais mon train n’est pas là, il faut attendre. L’ancien repart, je le regarde accélérer derrière. Pose valise, lève le pied. Regarde un peu plus loin. Prochain train n’arrive pas encore, aussi loin que je puisse voir la voie ferrée. Regarde un voyageur pas loin, un groupe de voyageuses alentour, elles font comme moi : attendre. Je respire. Je m’ennuie déjà. Vois les quais I-J-K-L. Vois immeubles derrière. Grisaille. Quand est-ce qu’il y aura des quais violets ?
Il descend du train en tirant sa valise. Il a un petit geste de recul, et passe sur le quai. Il a froid, comme moi. J’ai plus froid que lui, je pense. Je suis là. C’est pas la bonne gare, c’est pas le bon lieu, c’est pas le bon moi. Soudain je le vois regarder inquiet autour de lui. Mais qu’a-t-il ? Je suis certain qu’il a peur de s’être trompé de gare, ça me fait sourire. Moi aussi, quand je voyageais, voyageais normalement je veux dire, j’avais ce sentiment, en descendant du train. Aujourd’hui je suis dans des gares, mais je ne descends plus des trains. Et j’ai perdu portables, clefs, frics, papiers, et n’ai aucun billet depuis longtemps. Apparemment il a tout, lui : il a composé sa petite mine soulagée. Le revoilà qui joue son rôle de voyageur pressé. Il avance à grand pas vers l’escalator qui mène au Hall Central, en bas. J’y vais aussi quand il pleut trop. Quand il pleut trop j’y vais calmement, pourquoi se presser. Je laisse passer les gens, les trains, les rails. Dans la foule je change de ligne sans y faire attention. S’il y a un groupe de personnes qui poireautent je passe au milieu, invisible, toujours. Mais le voilà qui s’arrête ?… Qu’a-t-il ?… Il fait un pas vers la voie adjacente… Je me penche… Dans cette grisaille voilà quelque chose qui me rend curieux ; il ne se passe jamais rien dans la morne journée, alors même un petit geste étrange, ça met un peu de nouveauté : je passe du même coté du quai que lui. Il regarde un groupe de femmes, cela a l’air de l’intéresser. Puis il regarde au loin de la voie de chemin de fer. Au loin de la voie de chemin de fer mais c’est vide. Peut-être est-ce là qu’il prend son prochain train, tout simplement ?… C’est drôle, j’en suis allé jusqu’à me lever de mon banc, sortir de mon petit abri de quai, pour mieux le voir, ce vrai voyageur. Je jette un œil distrait derrière moi, car l’ancien train repart, tranquillement. Tranquillement quand il disparait la zone de ville se voit au-delà, et je suis écrasé encore par les immeubles absurdes, me disant sans savoir pourquoi que si je peignais tout ça en violet ça serait mieux.