voyage réel
Ce n’est pas un TGV seulement un turbo train et lorsqu’à l’approche des villes il ralentit, les bruits s’amplifient, quelques chocs de cailloux, jets de caillasses, claquements, frottements sur les rails, fracas dans l’air. Je suis de bonne humeur : revoir ma Normandie ! J’admire le calme du paysage qui défile : les plaines, les vastes étendues bien grasses, tout ce vert sur lequel paissent des vaches blanches avec des taches brunes ou même bringées (presque noires), « Les Normandes » Vindiou ! Consciencieusement elles arrachent, mâchonnent et avalent des touffes bien servies. Petit à petit des haies apparaissent et de plus en plus nombreuses elles sculptent le bocage, soudain du bleu jaillit à l’horizon, majestueusement le littoral s’impose. Sifflement violent, Tchou tchou ridicule, le train annonce son arrivée en gare de… Cherbourg. J’attends l’arrêt complet du train, ouvre la porte, descends sur le quai, une bouffée d’air iodé me remplit toute. Je souris, je ris, je pleure !
voyage imaginaire
Ils se tiennent la main, puis se lâchent et marchent l’un derrière l’autre. Très précautionneux, ils avancent, à pas comptés; surtout ne pas glisser, ne pas chuter, ne pas s’arrêter, continuer. Pas d’habitation alentour, personne sur le chemin, un paysage de neige, de gel, de glace, odeurs discrètes, couleurs retenues, sons feutrés. Une demie heure plus tard, il tente un repérage, il redresse son corps emmitouflé, il relève sa tête encapuchonnée, plisse les yeux, et au loin sous le blanc (partout du blanc), il distingue des formes: toits, cheminées, de la fumée de chaleur dans le brouillard. Il n’a pas la force de se retourner pour lui annoncer, il n’a pas envie d’ouvrir la bouche au risque de ne pouvoir la refermer. Cachée derrière lui elle avance dans ses pas, protégée par sa carrure, elle progresse prudemment, elle ne regarde que le sol, concentrée sur sa marche. Il ne fait pas encore nuit, ils sont en vie. Ils arrivent à Mohe, Chine, -53 degrés Celsius.