…table éclairée d’une lumière crue qui découpe au couteau un profil de papier dans la ténèbre tandis qu’un téléphone de bakélite semble évoquer un autre âge, un ailleurs aux abords de celui qui veille ici dans l’attente d’une sonnerie et quand elle retentit le manque tout d’un coup se fait plus vif s’inscrivant comme un vide qui surgit du phrasé d’un être qu’on a connu, une voix de femme qui dit : « – Ici il n’y pas de temps, on attend mais les heures ne passent pas. Je t’appelle mais tu ne te souviens pas, à peine si tu me réponds. », lui retrouvant dans sa mémoire l’accent familier et étrange qui sonne bizarrement tant les mots ont du mal à s’assembler, flottant un moment puis s’évaporant tendrement dans un souffle, auquel on voudrait unir le sien et répondre en articulant vaguement quelques sons qui restent coincés dans les limites de la gorge, tant on ressent la difficulté de parler, la phrase retournant docilement au lieu d’où elle était venu alors qu’on voudrait qu’elle s’envole vers Elle qui vient de parler, et que soudain remplace le son ténu d’un rire d’enfant fier d’avoir saisi le pouvoir de l’absence, contrefaisant le timbre d’un adulte, pour parvenir à endosser une autre identité bien qu’on le reconnaisse sans pouvoir le nommer parce qu’il s’éloigne déjà, les contours de ses mots se faisant de plus en plus évanescents, et sonne de nouveau la voix qui dit : « – Je vous appelle d’un pays lointain. Il faut que vous sachiez….. Est-ce que l’eau coule dans votre pays ? », mais on a à peine le temps d’écouter que déjà la vibration sonore disparait emportée par un silence occupé seulement par une respiration que l’on saurait identifier, dont la forme pourrait faire naître une image, trop tard, elle se dissipe dans les méandres de l’intérieur au moment où l’on dit : « – Vous me manquez » mais déjà il n’y a plus personne pour reprendre la parole, plus personne avec qui échanger, plus personne pour tisser un dialogue quand tout s’effiloche…