Avant, pas si longtemps encore, je marchais dans la rue ; un jour après la maladie une est venue, m’a dépassée sans effort ; j’ai continué d’avancer lentement, me tenant au mur ; j’ai pensé : une vieille s’est moisie en moi sans rien m’en dire
chaque matin je descends l’escalier de la chambre ; je n’ai pas dormi ; je trébuche jusqu’au tabouret ; j’allume la machine à côté de l’évier, j’écoute sans rien les derniers crachats noirs ; je pense dans le vide : tarie, comme une vieille
puis je vais dans le salon ; je pose le paquet de cigarettes sur mes genoux ; je m’enferme dans le fauteuil où je somnambulerai les bruits de la télé ; je pense : dégringolée, comme une vieille
mais aujourd’hui, assis dans le vif les arrivés d’hier ; je leur crie : baissez le volet ! la lumière du soleil d’en face brûle mes yeux ; je pense : desséchée comme une vieille
j’allume une cigarette ; plein le cendrier ; je nous tousse — ils ne disent rien ; je nous aurai hurlé : foutez-moi la paix ; je nous aurai enragé ! — je pense : déchiquetée de l’intérieur ; comme une vieille
je me zappe de la télévision qui parle sans moi ; je glisse les cartes sur l’écran des genoux ; toutes les heures de la journée elles font la carapace tatou aux pensées de la vieille
j’ai vécu l’enfance de campagne dans la maison des trois vieilles ; seule ; j’avais les consignes du taire et personne à qui jouer ; j’ai pris là le goût du lire ; j’aventurais le corps de page en page : je tournais les fenêtres blanches aux oiseaux du respir ; sur l’étagère des livres debout contre le mur j’ai retrouvé celui des mottes de terre chaude sous la houle des lavandes bleues
(j’adore…) Merci Jacques
Merci beaucoup !
Bah j’aime bien aussi…et je veux pas savoir pourquoi.
ah merci et savoir pourquoi n’est pas indispensable !
Très beau !
merci à toi Danièle !
Profondément. Merci.
Merci d’entendre profondément !
C’est l’insolite du texte qui me plait, sa manière de déformer et donc la forme qui se déroule. Merci!
merci ! oui c’est venu avec cette idée des petites conjurations / répétitions du quotidien, une trame pour se retenir plus encore que tenir parfois !
le leitmotiv « comme une vieille »
et puis ce dernier volet qui vient soudain éclairer le texte, et cette merveilleuse dernière phrase dont je ne garde ici que la fin
« j’ai retrouvé celui des mottes de terre chaude sous la houle des lavandes bleues »
(merci Jacques)
merci à toi de cette lecture si attentive et bienveillante !