Il traverse l’air bleu gentiane entre les prairies lumineuses. S’engage dans le matin d’altitude pure sur la piste qui part sous le village, ruban horizontal coupant les pentes de marguerites, boutons d’or, coquelicots et bleuets. Après le virage des trois granges en contre-bas, il entend les clarines des vaches, taches marron clair penchées sur l’herbe inaugurale de l’été alpin. Il n’a plus marché depuis longtemps, son pas aussi timide que celui d’un citadin découvrant la montagne. Il suit le long lacet de contournement du flanc sud. Les branches duveteuses des mélèzes murmurent leur bruissement d’écume de mer. La pente, à peine perceptible, s’élève cependant. Au bout d’une demi-heure, il débouche sur la forêt d’écrin du petit lac. Parvenu à son bord, il avise un photographe, un téléobjectif braqué vers l’autre rive et la crête des sommets par-delà la cime des sapins. La ligne crénelée en reflet inversé sur la surface de l’eau, découpe un livre objet, ouvre en deux le paysage qu’aucun nuage ne trouble encore. Le lac est recouvert en périphérie d’un tapis de lentilles d’eau, callitriches et potamots crépus, qui se laissent observer religieusement. Il salue en le dépassant l’homme de longue focale pour continuer sur le sentier de tour du lac en direction du belvédère, d’où l’on aperçoit, en contre-bas, le château médiéval, massive bâtisse de décor de film sur son promontoire d’obstruction valléenne. La première fois qu’il monte au lac, il se souvient, il vient par ce côté-là, empruntant la montée raide opposée. L’impression de la vision lacustre, surprenante, s’émousse dès l’ascension suivante. Il pense qu’il ne faudrait peut-être vivre que des expériences de premières fois.
C’est vrai… mais je vous suis quand meme !