Le visage de ma mère, devenu archaïque à l’heure de son grand âge. Buriné, fatigué, cheveux fins mal coiffés, bouche aux dents inégales, parfois absentes.
Le visage de ma mère, et cette façon qu’elle a de parler aujourd’hui, d’enfouir sa bouche en ricanant dans son menton dans son cou. La bouche de ma mère qui disparaît dans son cou.
Visage pélican. Ma mère pélican.
Cette poche immense, devenue toujours plus grande, plus vaste avec le temps.
Visage rectangulaire, visage imposant qui jamais ne connut l’ovale.
Aujourd’hui, la peau de son visage et de ses mains est toute fripée, ridée, parcourue de minuscules sillons, fine et légère, presque transparente.
Lula âgée de deux ans et demi, dessine ses premiers personnages. Un rond au contour inégal, deux traits sur lesquels elle repasse longuement avec application, les doigts serrés sur le crayon, qui figurent les jambes. Corps visage en forme de rond, visage indistinct fondu dans le corps. Les personnages que dessine Lula n’ont pas encore de visage, c’est le tout premier rond, le cercle des commencements, quand le visage absorbe le corps.