Ils sont deux, fabriqués au Maroc, ou en France puisque cette forme de vannerie s’y est implantée chez quelques fabricants – mais ils me parlent Afrique du nord ou à tout le moins Méditerranée – tissage régulier de feuilles de palmier selon une formule sans âge, celle là même des chapeaux de paille berbères – et plus civilisés d’aspect que les couffins en alfa, avec l’épaisseur veloutée de leurs bandes et leur plus petite taille, ces couffins, vague souvenir sans doute fantasmé de mon enfance, qui ont fait, suivant une directive gouvernementale, un retour en force en Algérie pour remplacer les sacs plastiques – tissage dont les bandes régulières d’un beige plus ou moins blond mais toujours doucement neutre – pas tout à fait régulières cependant pour afficher « fait main » et pour que la lumière joue sur leurs irrégularités et les fasse vivre sous l’oeil désoeuvré de l’attente – s’enroulent sagement pour créer au dessus du petit fond plat cette corole ovale qui s’évase lentement et largement, avec cette douceur apparente qui si on la touche râpe un peu le doigt qui danse sur ses chevrons, jusqu’au boudin du sommet, venant, en se glissant sous le rang inférieur pour bloquer l’ourlet, poser un discret point final aux deux tiers à peu près de l’un des côtés. Leurs anses qui sont maintenant formées de bandes de cuir, remplaçant les maigres cordelières qui sciaient la paume des mains, appellent aimablement à une prise ferme et leur forme allongée facilite la marche, contrairement aux beaux paniers ronds d’osier à bandes de couleur qui se prennent dans les jambes. Et, même s’ils peuvent servir, en entassant quelques coussins dans le fond pour agrandir le plateau, à transporter un petit corps gigotant, c’est par une dérive que leur nom est maintenant donné aux beaux paniers d’osier garnis de tendres étoffes sur lesquels on se penche avec un sourire attendri. Eux ils parlent marché, entassement de légumes colorés, tomates rouges ou vertes – fi des noires ou jaunes – courgettes vert très clair presque blanc de Provence, aubergines pansues d’un violet luisant, pâtissons blancs, d’herbes, de petits fromages et de poissons enveloppés, ils parlent serviettes de plage et mouna pour après le bain – la mouna souvenir étouffant – ou toute autre nourriture préférable comme fèves fraiches, tomates, fougasse, saucisson de sanglier et rosé , ils parlent récolte de pommes, de cerises, de ce qu’on veut, ramenée à la maison en marchant dans les brins d’herbe perçant la terre, ils parlent de richesse, de récolte d’olives qui pèsent dans la main qui les cueille, ils parlent terre enlevée et entassée, crissantes feuilles mortes récoltées ou splendeurs de dahlias qui poseront des taches échevelées et colorées dans la maison. Ils peuvent aussi, le plus souvent, rester discrètement muets dans un coin de la cuisine avec la sagesse réconfortante des objets utiles, symboles de cette retraite où il y a temps de vivre en prenant son temps, de la fin de la vie entre bureau, chantiers et domicile.
image © Brigitte Célérier Avignon
« …ils parlent récolte de pommes, de cerises, de ce qu’on veut, ramenée à la maison en marchant dans les brins d’herbe perçant la terre, ils parlent de richesse, de récolte d’olives qui pèsent dans la main qui les cueille, ils parlent terre enlevée et entassée, crissantes feuilles mortes récoltées ou splendeurs de dahlias qui poseront des taches échevelées et colorées dans la maison… » c’est beau comme ils parlent
merci…
C’est un texte doux et ensoleillé que l’on déguste avec gourmandise tel une cerise ou une olive.
attention au noyau 🙂
vraiment solides pour durer encore…j’ai aimé ce très beau texte.
trop indulgente… oui sont solides (heureusement : peu de chose aussi misérable qu’un couffin en décomposition)
ils m’ont toujours fait rêver ces grands paniers croisés sur les marchés, et puis à suivre paumée ai savouré ta manière de les remplir
le plaisir du couffin que j’ai ignoré pendant les années parisiennes quand je faisais courses le samedi matin dans le Franprix en face de chez moi en vitesse ou à neuf heures du soir en rentrant du bureau chez l' »arabe »
Ils parlent, ces paniers ! J’ai failli choisir aussi cet objet, enfin pas cette forme-là, mais le panier souple en fibres végétales, moins localisé dans l’espace, mais qui est de tous les temps, puisqu’on en retrouve dans des fouilles archéologiques déjà au néolithique.
l’aïeul en somme… (le couffin n’est plus très localisé : Méditerranée et il est fait de feuilles de bambou, plus rarement d’alfa ou autre)
« Et, même s’ils peuvent servir, en entassant quelques coussins dans le fond pour agrandir le plateau, à transporter un petit corps gigotant, c’est par une dérive que leur nom est maintenant donné aux beaux paniers d’osier garnis de tendres étoffes sur lesquels on se penche avec un sourire attendri. » très joliment dit… et intéressant les origines des noms des objets aussi, j’avais jamais pensé à « couffin », on l’utilise et c’est tout… 😉
mais pour moi le couffin c’est l’objet initial, celui des photos, le panier à tout faire de base, le plus ordinaire, méditerranéen à l’origine
Merci pour tous les souvenirs que le texte sait délicieusement réveiller. Je revois ces couffins portés sur la tête, surchargés, débordants, tenant en équilibre à ne pas savoir comment.
moi aussi… mais humblement je me contente de la main 🙂
Oui, délicieux… c’est l’impression que je viens d’avoir en lisant le texte et cette impression dure encore alors que du temps a passé…
Je ressens le souple des parois végétales, l’amplitude du volume, j’en soulève un et il me fait l’effet d’un vêtement qu’on enfile
Vraiment j’adore ces paniers, j’en utilise, et j’adore vraiment ce texte, chère Brigitte !
merci Françoise