#écopoétique #10 | Silex

Gros caillou rond et jaunâtre comme un fémur de bête antique, cartilage usé d’arthrose et semé de traces, fentes, fissures, trous, plaques noires et ocre jaune, incrustations de terre et d’autres pierres

cette rondeur de galet une fois brisée dévoile son envers, un  univers d’arêtes aiguës, dures, multiples et désordonnées telles un chaos d’avant la Création,  une montagne  sans base ni sommet, tranchante et neuve, soudain émergée d’entrailles en fusion

au cœur du silex couleur de boue sillonnent des constellations, pointillisme étoilé et traînées lactées, spirale d’un trou noir échevelé de lichen, concrétions de rouille et de bronze sous la mince croûte fémorale extérieure, pureté de la couleur vers la densité du centre

à la frapper pourtant on la casse, elle se brise en suivant ses arêtes intérieures, dans l’odeur des premiers feux, des feux de pierre, d’étincelles de pierre, une odeur primitive et captive, prête à resurgir, un odeur forte mêlant l’air le feu la terre

à la frapper elle livre des éclats minuscules et tranchants, propageant dans l’infiniment petit, dans l’invisible même, sa dangerosité, sa force, et sa fragilité de pierre.

A propos de Valérie Mondamert

J'anime des ateliers d'écriture dans les Alpes de Haute-Provence depuis dix huit ans, (DU d'animateur en atelier d'écriture en 2006, à Marseille), je suis prof de musique et je mêle avec joie les deux fonctions. J'ai publié des récits.

5 commentaires à propos de “#écopoétique #10 | Silex”

  1. j’ai adoré « comme un fémur de bête antique »..
    l’image du silex m’est venue tout de suite et ne m’a plus quittée le temps de la lecture
    aimé aussi « sa fragilité de pierre » à l’échelle des millénaires, embarquée dans de gigantesques orogénèses

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