Gros caillou rond et jaunâtre comme un fémur de bête antique, cartilage usé d’arthrose et semé de traces, fentes, fissures, trous, plaques noires et ocre jaune, incrustations de terre et d’autres pierres
cette rondeur de galet une fois brisée dévoile son envers, un univers d’arêtes aiguës, dures, multiples et désordonnées telles un chaos d’avant la Création, une montagne sans base ni sommet, tranchante et neuve, soudain émergée d’entrailles en fusion
au cœur du silex couleur de boue sillonnent des constellations, pointillisme étoilé et traînées lactées, spirale d’un trou noir échevelé de lichen, concrétions de rouille et de bronze sous la mince croûte fémorale extérieure, pureté de la couleur vers la densité du centre
à la frapper pourtant on la casse, elle se brise en suivant ses arêtes intérieures, dans l’odeur des premiers feux, des feux de pierre, d’étincelles de pierre, une odeur primitive et captive, prête à resurgir, un odeur forte mêlant l’air le feu la terre
à la frapper elle livre des éclats minuscules et tranchants, propageant dans l’infiniment petit, dans l’invisible même, sa dangerosité, sa force, et sa fragilité de pierre.
Justes déclinaisons minérales jusqu’à l’odeur primitive qui me revient en mémoire, celle du silex échauffé. Mémoire fragile comme cette pierre. Merci.
Merci JLuc. Intéressante à écrire, cette odeur. Il faudrait refaire l’expérience du feu créé par le silex, pour réveiller nos mémoires fragiles, mais pas pu.
Tu as réveillé l’émerveillement d’enfant devant cette pierre, une fascination que ton texte ressuscite et prolonge, suivre ton sillon d’écriture. Merci, Valérie. J’aime aussi la fin « sa fragilité de pierre ».
j’ai adoré « comme un fémur de bête antique »..
l’image du silex m’est venue tout de suite et ne m’a plus quittée le temps de la lecture
aimé aussi « sa fragilité de pierre » à l’échelle des millénaires, embarquée dans de gigantesques orogénèses
Merci Françoise, et pour le vocabulaire spécifique..!