#versuneéco-poétique #02 Compost

J’ai rêvé que le bois de mon bac à compost était devenu transparent, boîte de verre dévoilant l’action lente et complexe qui se trame à l’intérieur, la décomposition des matériaux mêlés aux lombrics épigés rougeâtres et aux larves blanches et dodues des cétoines dorés. J’y jette les pelures d’orange, de citron et de pamplemousse (bravant les mises en garde des maîtres composteurs gardiens du dogme), les sacs en papier, les mouchoirs, les croûtes de fromage, les pelures d’oignon, les épluchures de pomme de terre, les fanes de carotte et la salade jaunie, les miettes de pain, les coquilles d’œufs, les noyaux d’avocats et les peaux de banane, le papier sulfurisé, les filtres à café pleins de leur marc, le reste de ratatouille qui trop traîné et les croûtons durs car je n’ai pas de poules. J’ajoute régulièrement une couche de paille ou de feuilles. Je m’offre une bonne conscience à l’idée d’un compost citoyen. Je mets tout ce qui peut se dégrader, que je peux faire se dégrader, dont je peux prendre en charge la dégradation, ma responsabilité, ce geste, composter. A ma mort j’aimerais être compostée, désagrégée, me fondre, être mélangée à la terre, devenir humus, être digérée par les vers, les cloportes, les myriapodes, les collemboles, les nématodes, les champignons, les bactéries, mêlée aux racines, aux mycorhizes, minéralisée, disparaître en azote, potassium, phosphore, calcium et renaître dans les pétales d’une fleur de nigelle, de rose trémière, de mauve ou d’aubépine.

A propos de Isabelle Charreau

j’arpente plus facilement les chemins de terre que les pavés de la ville, je fréquente l’atelier pour le plaisir comme des gammes, sans projet de partition

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