Cinéma. Affiches de films sur un fronton moderne, une rangée d’affiches au-dessus de sa tête, un baiser ardent d’amoureux, une course poursuite, des extraterrestres menaçant la terre, un cycle consacré à Romy Schneider … Envie de céder à l’envie, aux souvenirs…ce sera Romy, film vu et revu et aimé, son dernier film, poignant, qui débute dans une heure, guichet fermé pour l’instant, une heure à tuer, à remplir, jouir d’une heure de farniente, flâner, pas de programme…Elle s’approche de la porte, du portail, cage vitrée tout en rond qui tourne, libère un espace d’entrée, tourne, ferme l’accès, tourne, s’ouvre, deux écolières avec un cartable sur le dos ont investi ce passage terrain de jeu, tournant suivant le mouvement en riant tapant des pieds comme en dansant bouchant l’entrée aux gens pressés ou alors maladroits, se rabattre sur les portes coulissantes à côté qui s’ouvrent – tchic – on passe, se ferment – tchac – on est passé, elle avance, dans son dos les enfants tournent toujours dans la cage cris de joies rires pieds qui tapent…elle les laisse et avance dans le hall d’accueil, pour le cinéma c’est tout droit par un escalier roulant, à droite un bar-café avec glaces et pâtisseries, brouhaha et tintement de cuillères… à côté une grande ouverture menant dans une nouvelle librairie, espace vaste, large, moquette rouge au sol, pas feutrés, étouffés, souples, lumières spots au plafond, éclairage puissant de la salle jusque dans les coins, elle part à droite, frôle les rayonnages le long du mur jusqu’au plafond, touche caresse le bois, tapote les ouvrages exposés au milieu de son itinéraire sur une table basse longue blanche coiffée par une petite étagère, étalage de livres, ici on commence avec les romans légers feel good autrefois dits pour dames, romantiques, couvertures gaies couleur pastel, laquées brillantes, quelques pas plus loin étalés échafaudés sur une autre table basse les nouveaux romans policiers, auteurs connus américains anglais français, déjà envie d’arrêter, de prendre un livre en main, de lire les titres, de feuilleter, et puis s’arrêter devant un nouveau rassemblement de livres, des romans étrangers, des auteurs connus, des livres de poche, les yeux papillonnent se perdent, elle arrive à l’angle, l’étagère murale continue devant le nouveau mur, des romans policiers classiques connus appréciés vendus facilement, elle pioche, feuillette, repose le Mankell, le Connelly, d’autres qu’elle ne connaît pas, on avance à nouveau traçant un couloir entre un mur de livres classiques, romans poésies pièces de théâtre des siècles passés et une table basse couverte de piles, des éditions nouvelles, romans récents, d’écrivains d’aujourd’hui, des panneaux de résumés de commentaires d’extraits de critiques, tout est fait pour qu’on s’attarde, si tu as une question, tu trouves une personne compétente efficace au milieu de la salle à une borne de renseignements, tout est fait pour qu’on trouve une réponse, elle a une question, elle cherche la leçon d’allemand de Siegfried Lenz, on en parle, un film vient de sortir, le jeune préposé la guide, lui indique le livre parmi toutes ces piles sur les tables basses, elle continue à cheminer parmi les étagères de livres et les tables basses poésies, littérature étrangère, une banquette couverte de tissu bleu au fond de la salle, la banquette est occupée, une vieille dame habillée en gris et rouge a posé son sac en beau cuir noir sur ses genoux, bien serré contre elle, et s’est plongée dans un recueil de nouvelles, deux ados sont penchés avachis sur les dernières bandes dessinées, il n’y a plus de place, il y a de la place par terre, à côté d’une fillette en jean étalée à plat ventre, le nez dans un livre de contes, plongée dans son univers, la moquette est épaisse, se baisser, s’asseoir dans un coin, jambes repliées pour laisser passer, bouquiner, le temps passe, les gens défilent, il y a silence dans cette grande librairie, calme, répit, une pause dans la course dehors, elle en oublie l’heure, sursaute, choisit son livre, traverse la salle et se présente à une caisse près de la sortie, vous avez l’heure, je vous prie ? Juste le temps de payer, d’admirer les cartes artistiques accrochées sur des grilles, de regarder la caissière emballer le livre dans un sac du magasin, elle rajoute un marque-page, merci, sortie rapide, regard circulaire pour se repérer, elle repart à droite vers l’escalier roulant, vers le cinéma…