Courbe légèrement la tête, maintiens-toi debout, forme tes pieds en végétal, sur ta tige et sens le fluide de la sève comme une porte ou fenêtre ouverte. Prends ce vide comme explication. Inspire. Doucement, prudemment, attends, respecte. Autour tout est lourd. Penche un peu la tête pour saisir ton aspiration. La sève appelle. Penche un peu ta tête cassée, mal au cou. Secoue la peau de ton dos contre le béton, hurle à la douleur en redressant vite la tête, retrouve ta peur en remuant ton cou comme si tu voulais arranger un oreiller en un mouvement difficile. Sois bloqué. Attends. Prends l’ombre. Sois douloureux. Force. Détends. La sève vient. Reprends conscience. Entends un écho du béton. Respire avec tes pieds. Cours à toutes jambes dans la forêt sonore des poussières brillantes qui tracent les rayons du Soleil à travers le feuillage. Cours au bord des embruns des vagues en rouleaux du ciel liquide parfait à l’heure d’apéritif au couchant coloré en rose, vert ou brun. Mais tout n’est qu’illusion, le béton. Reprends. Courbe un peu la tête, reste debout, retrouve la sève. Le temps vide. Tout est compté. Oui. Tiens. Courage. Fiche-toi des hommes et des femmes. Désespère-toi. Toujours sois total. Il faudrait un peu de chance. Protège ton visage avec ta main. Réjouis-toi de soudain que tu as bougé ta main. Le souvenir de tout à l’heure quand tu as crié redressant la tête. Presse ta main sur le rebond de ta joue et le plat du front, le creux des yeux, l’ondulé du menton, l’arrête de ton nez. Ta main, ta joue, ton front, tes yeux, etc. Respire ta vie. Mort c’est du passé. Continue jusqu’à voir un roc à l’horizon, qu’une lumière frappe ton œil, un son ton oreille. Ne crois pas en Sisyphe ; cesse de pousser ton rocher : chaque montée est différente. Pousse. Fleuris. Ondule. Chaque douleur t’épuise. Pleure. Arrive un mot. Souviens-toi du début de la phrase, le reste s’enchaine. Tiens se libère. Disons que c’est venu sans y penser. Soyons dans l’observation mutuelle, écoutons-nous, si nous disons quelque chose. Mettons les sourcils en point d’interrogation. La question sans connaître la réponse. Interrogeons-nous, la sève descend, soyons plein et courons.
Merci énorme merci, pour ton texte. Je voudrais l’imprimer, le lire et relire, le donner à d’autres. C’est un appel d’air, où qu’on soit, on peut sentir la sève. Grand merci, Ista Pouss.
Comme Simone, beaucoup aimé ce texte.